Le départ brutal de Sakher El Materi et la mise sous séquestre de toutes ses possessions sonneraient-ils le glas de la finance islamique «grand public» en Tunisie? A l’intérieur de la Banque centrale, y aurait-il des hauts cadres qui, après coup, se seraient rendus compte que ce fut une erreur que d’avoir accordé à Zitouna Banque l’agrément pour exercer la finance islamique dans notre pays?
Une fois les poursuites judiciaires achevées, l’Etat aura la possibilité de soumettre les actions de la Banque Zitouna à une Offre Publique de Vente. D’après des sources sûres, les institutions nationales et internationales n’attendent que cela. La Banque Islamique de Développement (BID) compte adhérer au capital de Zitouna dès que possible et les accords seraient même en cours de finalisation. Des actionnaires et des investisseurs nationaux sont également prêts à acquérir des actions Zitouna.
A rappeler que la finance islamique représente mille milliards de dollars américains sur le marché financier international; et si nous voulons développer une place financière tunisienne, nous ne pouvons négliger son apport. Car ses produits (soukouks) liés impérativement à l’efficacité économique doivent être adossés à des actifs tangibles, quoi de mieux pour développer une économie. «Grâce aux instruments de la Finance islamique, on peut émettre des obligations équivalents de soukouks qui sont énumérés en fonction des différents arrangements entre émetteurs et demandeurs», explique un haut cadre de la Banque Zitouna.
La Tunisie offre de grandes opportunités de développement et de croissance grâce à l’avènement d’une époque de transparence et de clarté en matière d’investissement.
Aujourd’hui, grâce à une législation avancée en matière d’IDE, le pays est considéré comme un placement sûr à l’international. Pour preuve, on n’a jamais entendu parler d’une banque qui a fait faillite en Tunisie ou d’un grand investisseur qui aurait perdu au change.
Cette confiance institutionnelle internationale a suscité l’intérêt de nombre de pays pour la Tunisie et la finance islamique. D’après un haut responsable à Zitouna Banque, certains pays arabo-musulmans auraient même exprimé leur intérêt pour y investir dont les Emiratis, les Qataries, les Koweïtiens et bien entendu les Saoudiens. La Baraka a d’ailleurs tenu à participer à Banque Zitouna à travers ses produits off shore. Auparavant, elle avait exprimé son désir d’exercer la finance islamique en Tunisie par le biais d’un agrément global, c’était dans les années 90.
Des représentations à l’international
Zitouna Banque a déjà prévu l’ouverture de représentations à l’international dont une à Paris où elle a déjà déposé la demande d’autorisation d’ouvrir un bureau. Les autorités françaises, pour information, ont parachevé l’arsenal juridique pour l’implantation de la finance islamique en France. Ce pays pourrait, d’ici une ou deux années, accueillir des institutions de finance islamique. Le jeu en vaut donc la chandelle avec les 6 millions de musulmans et les 100 milliards d’euros de capitaux arabes investis sous formes de «soukouks» et de fonds sur la Place de Paris.
En Tunisie, et malgré ces temps tourmentés que vit le pays, la Banque centrale, qui vient de nommé Slaheddine Kanoun en tant que nouvel administrateur provisoire de la Banque Zitouna en remplacement de M. Abou Hafs Omar Najai, ne remet pas en cause le principe de l’exercice de la finance islamique. Du moins, à ce jour. Avec les 87% du capital de Zitouna Banque détenus auparavant par Sakher El Materi et son groupe, elle pourrait, en tant que tutelle, œuvrer à développer encore la banque.
Nouvellement créée, la Zitouna aurait, d’après les experts financiers, des perspectives de croissance très rassurantes à condition que l’on veille à mettre en place un plan de développement réaliste des activités de finance islamique.
Une loi pour des produits financiers spécifiques à proposer dès que possible
La finance islamique, surtout depuis la dernière crise financière et économique internationale, offre les instruments les plus efficients de soutien à l’économie réelle et de support à des projets tangibles. Cette finance “moralisante“, qui offre des produits où toute sorte de spéculation ou de complaisance est absente, serait pour beaucoup et de loin très rassurante et dénuée de tous risques quant aux produits dérivés ou fantômes appelés communément produits «casino».
En Tunisie, une loi a été proposée lors d’un des derniers conseils des ministres de l’ancien gouvernement touchant aux produits spécifiques. Si cette loi est votée par le prochain parlement, elle permettrait au système bancaire et même aux banques conventionnelles d’élargir l’éventail des produits offerts à leurs clientèles. Il est clair que, pour y arriver, il faut que les organes de gouvernance et de conformité soient mis en place. En premier lieu, le Comité Chariaa et tous les organes de Bâle II.
En attendant, et dans cette période d’ambiguïté dans laquelle beigne le pays, on va certainement transiter par des situations où les appréciations générales restent tributaires du bon vouloir de certaines personnes qui veulent se préserver et protéger leurs intérêts.
A tire d’exemple, la remise en cause de la loi concernant l’augmentation du capital social des banques de 25 MDT à 100 MDT: «Qui est ce grand penseur avisé qui estimerait qu’une telle loi a été taillée sur mesure pour la Banque Zitouna? Dites-vous bien que dans toutes les banques de la place, il faut qu’il y ait un minimum de conformité au niveau du capital. Il y a ce que nous appelons communément le ratio Cook. D’ici deux à trois ans, pour que les banque soient viables, si elles n’ont pas atteint un minimum de 100 MDT, elles doivent impérativement fusionner. Nous ne pouvons nous permettre des petits bouts de banques», clame un banquier réputé de la place. «100 MDT de dinars, c’est environ 50 millions d’euros. Qu’est-ce qui cela pèse à l’international? Rien, absolument rien».
L’avènement de la finance islamique date des années 80 en Tunisie, il n’est pas arrivé avec Zitouna Banque même si auparavant elle ne touchait pas les particuliers. La Best Bank rebaptiséeAl Baraka n’a jamais souffert des critiques de la part de la BCT et on ne lui a jamais relevé des contraventions ou des dépassements de seuils. Elle a participé au financement des projets à l’export, aux grands projets tels celui du Lac, le palais de la Foire et autres.
Rappelons à ce propos que l’Etat tunisien a gelé les avoirs, les participations, les immeubles et tout ce qui appartient au groupe Princesse Holding, dirigée par Sakher El Materi.
Pour nombre de spécialistes, cette banque représente un atout pour la place financière de Tunis. Elle offre les garanties d’un produit porteur et attractif pour nombre d’investisseurs étrangers et répond aux vœux de beaucoup de Tunisiens, professionnels et particuliers, qui tiennent à user de produits hallal.