ège de Renault à Boulogne-Billancourt le 11 janvier 2011 (Photo : Bertrand Guay) |
[31/01/2011 13:18:46] PARIS (AFP) L’affaire d’espionnage industriel qui frappe Renault n’affectera pas les ventes du constructeur automobile français mais le climat de suspicion qu’elle alimente risque de laisser des traces au sein du groupe, selon des experts.
La révélation début janvier de la mise à pied, puis le licenciement, de trois cadres dirigeants soupçonnés d’avoir fait passer des informations sur le programme de véhicules électriques à l’étranger a fait l’effet d’une bombe, aussi bien au sein du groupe qu’à l’extérieur.
Renault, en renvoyant ces salariés, “n’a pas très bien évalué les dommages et les conséquences en terme d’image”, estime Stéphane Saint-Pol, professeur spécialisé dans la communication de crise à l’école universitaire de management IAE de Lille.
Depuis, le scandale n’a cessé de prendre de l’ampleur, le nom de concurrents et la Chine étant cités. Tandis que Renault refuse de donner plus de détails, se retranchant derrière l’enquête en cours, les mis en cause nient en bloc les faits qui leur sont reprochés.
Si l’affaire fait si grand bruit, c’est qu’elle touche “un fleuron de l’industrie française pour qui le grand public a une sensibilité particulière”, explique Thierry Libaert, professeur en communication d’entreprise. Surtout, “il y a une contre-offensive des trois salariés accusés”, explique-t-il.
Cette stratégie a obligé le PDG de Renault en personne, Carlos Ghosn, à monter au créneau lors du 20 heures de TF1 le dimanche 23 janvier.
le PDG de Renault Carlos Ghosn lors du 20 heures de TF1 le dimanche 23 janvier (Photo : Boris Horvat) |
Si pour les experts en communication, le fait d’exposer le patron d’un groupe en période de crise est risqué, cette intervention a aussi offert une tribune inespérée à M. Ghosn.
“Pendant plus de cinq minutes, il a pu délivrer toute la publicité sur son groupe, sans aucun contradicteur” en vantant le programme de véhicules électriques du constructeur automobile, relève M. Libaert.
Pour autant, le message que cherche à faire passer Renault est compliqué par “son aplomb à mettre au pilori médiatique le nom de trois personnes, sans être capable d’en dire plus sur le fond”, ajoute M. Libaert.
Au final, cette affaire ne devrait pas avoir de conséquences sur la santé économique du groupe. “Cela aurait été beaucoup plus grave si ça avait porté sur un problème de qualité sur les véhicules”, relève M. Saint-Pol.
En revanche, elle pourrait laisser des traces en interne. Faute de savoir ce qui s’est vraiment passé, elle “accroît le climat de suspicion”, explique M. Saint-Pol. “S’il s’avère que les allégations (d’espionnage ndlr) ne sont pas fondées, cela va avoir des conséquences en terme de management”, estime-t-il.
La CGT dénonce ainsi “les inquiétudes et le manque de confiance des salariés vis-à-vis de la direction”.
“Le capital de marque se construit sur cinq leviers majeurs dont un essentiel réside dans les associations d’idées”, explique aussi Thierry Lardinoit, professeur à l’Essec.
“Ce sont très souvent les émotions qui relient celles-ci à une marque. Concernant Renault, cette histoire d’espionnage industriel pourrait réveiller les souvenirs récents des suicides au Technocentre et pourrait soutenir l’idée qu’il y aurait un malaise persistant chez Renault”, poursuit-il.
D’où l’intérêt pour le groupe de vite passer à autre chose, c’est-à-dire aux résultats financiers, après les records de vente enregistrés en 2010, et à son nouveau plan stratégique, qui doivent être dévoilés début février et dont des éléments ont commencé à fuiter.
“Si Renault annonce dans les prochaines semaines des perspectives économiques et financières excellentes, ça peut faire complètement oublier l’affaire d’espionnage”, selon M. Libaert.