un drapeau Boeing. (Photo : Eric Piermont) |
[31/01/2011 22:36:13] GENEVE (AFP) L’OMC a rendu lundi le rapport final mais confidentiel sur des décennies d’aides américaines à Boeing, jugées illégales par l’avionneur Airbus qui estime le préjudice commercial à 45 milliards de dollars (32,8 milliards d’euros), selon des sources proches de l’organisation.
“Le rapport a été envoyé aux parties concernées, Bruxelles et Washington”, a indiqué à l’AFP une source proche de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Les conclusions du deuxième volet du dossier le plus lourd jamais porté devant l’OMC, en 2004, étaient très attendues après un jugement rendu le 30 juin 2010 qui a condamné certaines aides européennes à Airbus, filiale d’EADS.
Selon les règles de l’OMC, le rapport restera confidentiel pendant quelques mois, jusqu’à sa traduction dans les trois langues officielles de l’organisation basée à Genève.
La confidentialité du rapport a déclenché une véritable guerre de communication.
La décision rendue par l’OMC confirme que Boeing a reçu des “aides massives et illégales”, a ainsi estimé Airbus dans un communiqué.
“Nous nous félicitons de la confirmation par le panel (d’experts) de l’OMC de ses conclusions initiales concernant le soutien fourni à Boeing par le gouvernement américain”, a déclaré John Clancy, porte-parole du commissaire européen chargé du Commerce, Karel De Gucht.
Le rapport “constitue un rejet massif des plaintes de l’Union européenne”, a rétorqué Boeing.
“Les informations publiées ce jour confirment les informations provisoires de septembre 2010, selon lesquelles l’OMC a rejeté la quasi-totalité des plaintes déposées par l’Europe à l’encontre des États-Unis, y compris la grande majorité de ses réclamations dans le domaine de la recherche et développement, à l’exception d’environ 2,6 milliards de dollars”, argumente-t-il.
“Il n?y a rien de comparable avec les 20 milliards de dollars d?aides illégales qu?Airbus/EADS a reçus, selon les conclusions publiées par l?OMC en juin”, a encore souligné Boeing.
La porte-parole du représentant américain au Commerce (USTR), arguant de la confidentialité du rapport, s’est contentée de dire que Washington avait “confiance dans le fait que l’OMC va confirmer le point de vue américain”.
La France a de son côté appelé les Etats-Unis à “reconsidérer les mécanismes et mesures de soutien public qui bénéficient à Boeing, pour se mettre en conformité avec les règles de l’OMC”, tout en plaidant pour “négociation, en vue de mettre un terme au contentieux aéronautique entre constructeurs européen et américain”.
L’UE estime à 24 milliards de dollars les subventions américaines déguisées à son grand concurrent. Elles ont entraîné, selon Airbus, un préjudice commercial de 45 milliards entre 2000 et 2005.
Les Etats-Unis ont chiffré à plus de 200 milliards de dollars le préjudice subi en raison des aides européennes à Airbus. Chiffre que Bruxelles dément.
Selon les spécialistes du secteur, le verdict de l’OMC risque de renvoyer Airbus et Boeing dos à dos, condamnant certaines subventions américaines après avoir jugé illégale une série de subventions des Européens, comme le gendarme du commerce international l’avait fait en 2003 dans l’affaire opposant Embraer à Bombardier.
Européens et Américains ayant fait appel du premier verdict sur les subventions européennes, les spécialistes du secteur s’attendent à ce que les parties fassent de même pour la deuxième manche de cette bataille qui pourrait se prolonger encore longtemps.
Ce qui leur permettrait de gagner du temps et de pouvoir continuer à soutenir leur industrie.
“L’Europe veut soutenir Airbus, et après la catastrophe de l’A380 (retard de livraison, ndlr), Airbus a besoin de ce soutien. De même, les Etats-Unis doivent montrer à leurs électeurs qu’ils peuvent +créer+ des emplois”, juge l’expert américain Richard Aboulafia, soulignant que “des forces aéronautiques émergentes” vont continuer aussi à bénéficier “de l’argent de leur gouvernement”.