Tunisie : Quelles leçons retenir des derniers événements?


ugtt-tunisie-31012011-art.jpgQuatre grands enseignements ne doivent pas –au moins- être perdus de vue.


Que retenir des récentes contestations qui ont conduit à la constitution, le 27
janvier dernier, du second gouvernement d’union nationale ou de transition qui
devra engager le pays dans des réformes fondamentales?

Sans doute, quatre grands enseignements fondamentaux:

1- Le rôle joué par l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) dans la crise
qui a accompagné la nomination du premier gouvernement, constitué de nombreux
ministres du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), ancien parti au
pouvoir: la centrale syndicale ayant été le fer de lance de la contestation,
mais aussi de la mobilisation de la rue en la matière.

Une réalité qui interpelle plus d’un analyste quant à l’avenir. Voici, donc, un
syndicat qui «s’immisce» dans un dossier strictement politique. Une réalité qui
est encore apparue avec la bénédiction donnée par le syndicat ouvrier à la
constitution du deuxième gouvernement. Une bénédiction qui a calmé le jeu.
Certains y voient une ressemblance avec le cas polonais. La Pologne où un
syndicat, en l’occurrence «Solidarnosc», s’est mué, dans les années 90, en force
politique; une force qui a fini par prendre le pouvoir. En Tunisie, certains
syndicalistes ne s’étant pas départis, dit-on, de la volonté de créer un parti
ouvrier, l’UGTT donnera-t-elle naissance à une force politique?

2-Le général De Gaulle a utilisé, en mai 68, au plus fort de la contestation
estudiantine en France, un mot qui est resté dans l’histoire: «la chienlit»; un
terme pour qualifier «la profusion débridée des événements et désordres
concomitants» (www.wikipédia.org). Cette expression s’applique-t-elle à la
situation qui a prévalu lors de la crise qui a accompagné la constitution du
second gouvernement de transition en Tunisie? Souvent la chose et son contraire
ont été dits. Chacun y est allé surtout de sa revendication et de sa
recommandation. Tout le monde est, certes, en droit de rêver. N’est-ce pas le
propre des révolutions? Mais beaucoup de revendications tordent le cou aux
règles les plus élémentaires de l’économie. Sans oublier que leur satisfaction
exige des réformes profondes. Et surtout du temps –beaucoup de temps- et une
mobilisation générale de toutes les énergies. C’est-à-dire la remise en marche
de l’économie. Ce qui est loin d’être le cas. Personne n’a une baguette magique
dans la main!

Siffler la fin de la récréation!

3-Très liée à la deuxième, la troisième donnée est relative précisément à la
conscience du Tunisien quant à la valeur travail qui constitue la seule planche
de salut. Il n’est un secret pour personne que le Tunisien n’est pas toujours
porté sur le travail. Il n’en est pas le seul responsable. La déliquescence de
l’appareil de l’Etat, qui a rarement donné l’exemple, «le temps du travail», qui
nous a toujours promenés entre les «ponts» des jours fériés, sans doute plus
nombreux que la plupart des pays développés, la séance unique des mois d’été, le
Ramadan, font partie de ce dispositif du farniente. Mais l’heure est bien venue
de siffler la fin de la récréation. Doit-on continuer à prendre nos aises pour
rejoindre notre lieu de travail, à multiplier les pauses pour boire un café, à
discuter du dernier match de football et à s’attarder à lire le journal alors
qu’un travail doit être accompli? Pour ne prendre que ces exemples.

4- Démonstration a été faite qu’une fois la sécurité assurée, qu’il n’est
nullement nécessaire que la politique et l’économie aillent de pair. Certes une
stabilité politique est un atout indéniable. Mais, les derniers jours ont donné
la preuve que, alors que le politique était en ébullition et en crise, beaucoup
d’entreprises ont pu fonctionner quasi-normalement et produire; même si l’état
d’urgence et surtout le couvre-feu ne sont pas de nature à faciliter les choses.
L’exemple de certains pays proches de nous, comme la France , mais surtout la
Belgique et l’Italie, montrent, du reste, que la stabilité gouvernementale ou
même l’absence d’un gouvernement ne peut durablement gêner la bonne marche de
l’économie. Un proverbe italien dit bien «que tout va bien même lorsque le
gouvernement est stable!». On pourra rétorquer que la situation de ces pays est
bien différente de celle de la Tunisie. Parce que le système tunisien est bien
plus fragile au niveau notamment institutionnel et des mentalités. Mais le champ
est maintenant assurément ouvert pour que la Tunisie gagne beaucoup de terrain
au niveau de ces deux stades.