Un repère? Une valeur-refuge? En tous cas, à chaque fois qu’il s’adresse aux
Tunisiens depuis la fin de l’ancien régime, Mohamed Ghannouchi parvient à
émouvoir grâce à une sincérité, surtout après qu’il ait affirmé qu’il quitterait
toute fonction officielle aussitôt que notre pays aurait survécu à la tempête et
rejoindrait le port de la démocratie.
Les discours de l’ancien régime, qui étaient en arabe littéraire, semblent avoir
contribué à la ”faille sociale” qui s’élargissait avec les années entre le
pouvoir et les Tunisiens. L’ancien régime l’avait réalisé trop tard avec le
retour du langage parlé la veille du 14 janvier mais ceux qui connaissent
Mohamed Ghannouchi connaissent aussi ses improvisations (sans le moindre texte
préalable), en ”Lahja Tounsia” lors de toutes sortes de grandes
manifestations, spécialement à l’adresse des opérateurs économiques tunisiens et
étrangers.
C’est le style de ces improvisations en Lahja Tounsia qui a retenu l’attention
du Dr Afef Charrad, psychologue, il y a quelques jours au moment où Mohamed
Ghannouchi annonçait le nouveau gouvernement. Dans sa lecture, la psychologue
dit que le Premier ministre ”…vit sous une pression incommensurable, dans une
position à laquelle il ne s’est jamais préparé, avec le sentiment qu’il assume
une énorme responsabilité.
C’est pour cela qu’au moment de parler aux Tunisiens, il donnait des signes
d’épuisement alors qu’il cherchait manifestement à convaincre, non pas seulement
par la simple constitution de ce nouveau cabinet, mais aussi par le choix de
vocables précis comme ”la situation est délicate”, ”la nécessité du retour au
travail et aux études”, ”l’importance du rôle des commissions”… Il voulait
manifestement rassurer les gens, on voyait clairement que ce qui lui importait
le plus était le dépassement de cette crise et le passage du pays à la
démocratie…”
Ce qui est certain, c’est que la présence de Mohamed Ghannouchi, sa sincérité,
sa détermination à rester là où le devoir le retenait malgré les attaques de
toutes parts (y compris contre lui en personne) ont lourdement pesé dans la
balance du retour (somme toute exceptionnellement rapide) à une grande normalité
de la vie de tous les jours en Tunisie.