A Sousse -mais dans les autres régions également- plus d’un opérateur vit mal l’absence des touristes. Et la situation touche également ceux auxquels on n’y pense pas d’habitude.
Appelons-le Mahmoud. Il a cinquante-six ans, une expérience de près de vingt-cinq ans dans la gestion hôtelière et n’a pas le moral. Installé à Sousse depuis près d’une vingtaine d’années, ce Tunisois d’origine n’a jamais vu Sousse dans cet état. «Certes, nous sommes en pleine basse saison touristique, mais nous n’avons jamais manqué autant de touristes. Savez-vous que notre hôtel est quasi-fermé. Le bar et le restaurant fonctionnent tant bien que mal. Pour le reste, c’est “le trop vide“: Nous n’avons pas de clients», assure-t-il.
Cette situation, beaucoup d’employés dans les hôtels de Sousse vous la racontent à l’infini. Il n’est point utile, toutefois, d’engager la conversation avec les uns et les autres pour se rendre compte que le secteur touristique vit une situation difficile.
Parmi les sous-secteurs les plus touchés, celui de l’artisanat. Les propriétaires des rares boutiques ouvertes affirment le faire pour ne pas les libérer rapidement leurs employés. Même si certains soutiennent qu’ils ont déjà «libéré» du personnel. En fait, affirme Marwane, qui tient boutique aux alentours de la Grande Mosquée de Sousse, et qui affirme ne pas avoir vendu ne serait-ce qu’une babouche depuis vingt jours, beaucoup d’employés sont payés, d’habitude, à la commission. «S’ils arrivent à vendre une babiole, ils reçoivent une commission, si ce n’est pas le cas,…»
Côté locations de voitures, la situation n’est pas bien meilleure. Faouzi, patron d’une agence de location de voitures, a mis ses quatre employés à contribution –même ceux qui n’étaient pas occupés à cette tache- pour mettre de l’ordre dans les documents administratifs et comptables. Son principal souci pour l’heure, c’est assurer le recouvrement des créances. Même s’il n’a pas bon espoir d’être rapidement payé.
«Je ne peux reprocher à mes clients de ne pas honorer rapidement leurs engagements», dit-il. Avant de s’empresser d’ajouter que lui-même a expliqué, il y a une semaine, à la société de leasing qui a financé les quelque cinquante voitures qu’il a acquises par son biais qu’« il ne lui serait pas possible de verser, fin mars, et le principal et l’intérêt». «Si évidement les choses n’évoluent pas dans le bon sens», ajoute-t-il.
«Le reste vient après!»
Quid du personnel? «Je ferai tout pour sauvegarder les emplois», répond Faouzi. Qui avance un argument de taille: ne perdre des employés qu’il a mis du temps à former et qui connaissent parfaitement et l’entreprise et ses clients». Il ne s’interdit pas, toutefois, de trouver une solution si les choses ne finissent pas de durer. Par exemple, verser, pour un temps, la moitié des salaires. Mais en parfaite concertation avec ses employés. «Qui seront compréhensifs».
Cette option a été envisagée par Ismaël, un gérant d’un salon de thé qui a pignon sur rue sur la grande route qui va de la Corniche à El Kantaoui. Lui-même se plaint de ne pas voir ses clients habituels. «Comprenez-le bien, tous ceux qui ont aujourd’hui un millime en poche ne pensent qu’à en faire le meilleur usage. Tout le monde garde ses sous pour se nourrir et se loger, le reste vient après!», renchérit-il.
La baisse de l’activité touristique touche également des opérateurs auxquels on n’y pense pas d’habitude. Ainsi en est-il de ce commerçant en produits détergents qui alimente les hôtels, restaurants et autres salons de thé de la zone touristique d’El Kantaoui. Il précise: «tout le monde sait que ce sont les établissements touristiques qui tiennent le plus à la propreté. Les ménages, même s’ils le font, ne sont pas de grands consommateurs de détergents et n’ont pas, de plus, toujours autant d’ustensiles, de matériaux ou de locaux à entretenir».
Au-delà de tout, une seule réflexion est dans la bouche de plus d’un Soussien: le couvre-feu, même s’il est nécessaire, est la véritable pierre d’achoppement à un retour à la normale. Une ville comme Sousse, qui vit beaucoup la nuit même pendant la basse saison, ne peut fonctionner avec le couvre-feu. La crise, qui est beaucoup dans les têtes, a besoin d’être libérée par un retour à la normale!.