Que d’intellectuels, d’artistes, de sportifs et d’hommes d’Etat ont rêvé de voir, de leur vivant, leur entrée dans l’Histoire pour faire partie des grands éternels historiques. Pour cela, ils savent que seul un grand exploit, ou, à tout le moins, une carrière brillante, exaucera leur vœu.
L’Histoire dispose de deux registres: l’Histoire proprement dite, c’est-à-dire les manuels et ouvrages d’Histoire, et les dictionnaires ou les encyclopédies (Larousse, le Robert, etc.). L’Internet est arrivé avec sa propre encyclopédie, la fameuse Wikipédia. Il faudrait des mois et des mois, sinon des années, pour qu’un grand artiste ou intellectuel réussisse son entrée sur Wikipédia.
Eh bien, nous avons une Tunisienne qui vient, sûrement à son insu, de réussir son entrée dans cette encyclopédie. Lisez cette petite présentation: «Leila Trabelsi, épouse du chef de l’Etat tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, est à l’origine d’une généralisation de la corruption dans son pays, dont les principaux bénéficiaires sont les membres de sa propre famille, les Trabelsi, qualifiée par les observateurs ainsi que par les services de l’ambassade américaine à Tunis de ‘‘clan quasi-mafieux’’…».
Il est vrai que les grands noms de la mafia internationale figurent dans l’Histoire universelle. Al Capone était dit le plus célèbre des gangsters américains. Le Colombien Pablo Escobar était le plus grand dealer qu’ait jamais connu l’humanité. Mais entre ceux-là et le clan Trabelsi, il n’y a aucune similitude. Cela peut paraître insolite ou grotesque, mais il y a des mafieux qui ont de la dignité, d’autres n’ont que vilenie et déshonneur. Les Capone et autres Escobar avaient, en leur temps, défrayé la chronique tant et si bien qu’ils étaient devenus des icônes dans leurs pays respectifs; le cinéma même s’était intéressé à leur cas et en a tiré de longs-métrages. Ils avaient répandu le vice dans les sociétés, mais n’avaient pas volé leurs peuples, leurs concitoyens.
Les Trabelsi, par Leila interposée et garante de leur impunité, avaient écrasé des familles et des familles, écrabouillé des chefs d’entreprise qu’ils avaient spoliés et même appauvris en s’appropriant leurs biens; ils ont poussé et multiplié les actes honteux jusqu’à ce que la honte elle-même en ait eu honte! C’était plus que trop, au-delà de l’imaginable.
Evidemment, ils peuvent se consoler, aujourd’hui, à l’idée d’avoir tout de même bien vécu durant 23 ans et qu’ils ont pu trouver un exil confortable dans ces pays qui les ont accueillis à bras ouverts. Mais comment peuvent-ils vivre avec l’idée d’avoir écrit une page toute sale et honteuse de leur histoire? Savent-ils seulement que l’Histoire a déjà retenu d’eux l’image de la vilenie, de l’abjection, de la grossièreté et de l’ignominie?