«Le déclenchement de la révolte des jeunes à Sidi Bouzid a révélé au grand jour le déficit de gouvernance qui caractérise l’économie tunisienne.
La Tunisie a lourdement payé la facture de la mauvaise gouvernance. Une corruption qui gangrène l’administration et creuse les inégalités sociales et régionales. Une dégradation du climat des affaires qui alimente les fuites de capitaux et décourage l’investissement étranger. Des conseils d’administration gérés de façon autocratique, ouvrant la porte à toute sorte de dérapage. Des banques dont les actifs sont criblés de créances non performantes et qui traînent à adopter les exigences de transparence de Bâle 2, alors que l’heure de Bâle 3 a déjà sonné. Un marché financier miné par les délits d’initié.
Bref, un déficit de gouvernance qui prive la Tunisie de plus de 1,5% de PIB.
“Jamais plus ça“. Le moment est donc historiquement favorable pour construire, créer et adopter les initiatives et les forces économiques de manière organisée et régulée pour construire la Nouvelle économie tunisienne. Cela transite nécessairement par l’introduction des normes de bonne gouvernance à tous les niveaux:
– Au niveau des administrations: la bonne gouvernance est une condition indispensable pour générer un véritable contrat social et une confiance, garants de l’assainissement des finances publiques et du climat des affaires pour les investisseurs nationaux et étrangers et de l’équité des emplois.
– Au niveau du secteur financier: l’adoption des exigences prudentielles en matière de fonctionnement et de transparence contribuera à améliorer la qualité des actifs bancaires et des services financiers et à assurer l’efficience du marché financier.
– Au niveau des entreprises: une séparation des fonctions de contrôle et de gestion, un fonctionnement efficient des différents organes sociaux et un statut d’administrateur indépendant conforme aux normes internationales, sont autant de gages d’une bonne gouvernance créatrice de richesse.
Certes, l’établissement d’un Etat de droit serait nécessaire pour tarir les sources de clientélisme, de népotisme, d’abus de pouvoir et de trafic d’influence. Mais, l’ancrage de la culture de la bonne gouvernance dans le tissu économique tunisien s’avère déterminant aujourd’hui pour permettre à nos entreprises et banques de rattraper les standards internationaux de performance et de qualité des services. Les agences de notation internationales nous scrutent. La bonne gouvernance est loin d’être un simple effet de mode. Nous devons la mesurer (critères financiers et extra-financiers, governance ratings) et la définir très objectivement en intégrant les spécificités tunisiennes.
Par ce manifeste, basé sur des considérations purement économiques et sociétales, nous attirons l’attention de l’opinion publique et du gouvernement de transition sur l’urgence du lancement d’un Programme national pour l’instauration d’une bonne gouvernance en Tunisie.
Cette bonne gouvernance serait le plus bel héritage et le meilleur gage de stabilité et de prospérité que pourrait offrir le gouvernement de transition à une jeunesse tunisienne en quête d’emploi et de dignité.
Préparer l’avenir, ce n’est que fonder le présent”».
Signataires: Moez Joudi, Directeur Général Formapro, vice-président de l’Institut tunisien des administrateurs; Moez Labidi, professeur, Université de Monastir; Dhafer Saidane, Professeur, Skema Business School – Université Lille 3; Meriem Smida, Investment Principal Africa, ACTIS, Londres.