Egypte : le jeune cadre de Google a passé 12 jours “les yeux bandés”

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Hosni Moubarak, au Caire le 27 janvier 2011 (Photo : Mohammed Abed)

[08/02/2011 13:52:48] LE CAIRE (AFP) Devenu un symbole de la contestation en Egypte, Wael Ghonim, le jeune cadre de Google arrêté pendant les manifestations antigouvernementales et libéré lundi, a raconté avoir passé ses 12 jours en détention les yeux bandés, en refusant avec véhémence d’être qualifié de héros.

Dans une interview chargée d’émotion accordée lundi soir à la chaîne privée Dream 2, le chef du marketing de Google pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord a aussi confirmé être l’administrateur de la page Facebook “Nous sommes tous Khaled Saïd”.

Ce groupe, qui fait référence à un jeune homme de 28 ans battu à mort par la police à Alexandrie en juin, a participé au lancement le 25 janvier de la contestation contre le président Hosni Moubarak, au côté notamment du mouvement des jeunes du 6 avril.

“J’ai eu les yeux bandés pendant 12 jours, je n’entendais rien, je ne savais rien”, a raconté M. Ghonim, précisant avoir été arrêté le 27 janvier au soir et avoir passé les jours suivants aux mains des très redoutés services de sécurité d’Etat.

Amnesty International avait dit craindre qu’il ne soit torturé, mais le jeune homme a affirmé qu’il ne lui était “rien arrivé”.

“Je ne suis pas un héros, j’ai dormi pendant 12 jours. Les héros, ce sont ceux qui étaient dans la rue, qui ont participé aux manifestations, sacrifié leur vie, ont été battus, arrêtés et exposés au danger”, a-t-il dit, visiblement épuisé, la voix régulièrement entrecoupée de sanglots.

“Je ne suis pas un héros”, a-t-il répété. “J’écrivais sur un clavier sur le net, et je n’exposais pas ma vie au danger”.

“Ceci est la révolution des jeunes de l’internet, qui est devenue la révolution des jeunes d’Egypte, puis la révolution de l’Egypte entière”, a-t-il ajouté.

Tout en martelant que son “enlèvement” était “un crime”, le jeune Egyptien a dit qu’il avait vu chez certains des officiers qui l’ont interrogé “une vraie préoccupation pour l’Egypte,” pareille à la sienne, mais que le système était coupable de les avoir montés les uns contre les autres.

“Ils étaient convaincus à 100% qu’il y a derrière nous des étrangers, que quelqu’un nous manipule ou nous finance”, a-t-il dit. Mais “si j’étais un traître, je serais resté dans ma villa avec piscine aux Emirats (…). Nous ne sommes pas des traîtres”.

M. Ghonim a indiqué avoir été reçu par le ministre de l’Intérieur Mahmoud Wagdi au moment de sa libération.

“Je ne peux pas vous dire à quel point je suis fier de vous (…), parce que le ministre de l’Intérieur était assis face à moi comme si on était sur un pied d’égalité, il me parlait en partant du principe que j’étais fort et qu’il était fort”, a dit le jeune homme à l’adresse des manifestants.

Wael Ghonim a confirmé que le nouveau secrétaire général du Parti national démocrate (PND) du président Moubarak, Hossam Badrawi, avait joué un rôle dans sa libération.

“Je ne le remercie pas. Ce qu’il a fait, c’était son devoir parce que je suis un jeune qui aime l’Egypte et un fils d’Egypte”, a-t-il affirmé.

“Je lui ai dit: +je ne veux voir le logo du PND dans aucune rue d’Egypte, je ne veux plus voir le PND+”, a-t-il ajouté.

Lorsque la chaîne a diffusé des images des jeunes gens tués pendant les manifestations, le jeune homme, très affecté, s’est effondré.

“Je veux dire à toute mère, tout père qui ont perdu un fils, je m’excuse, ce n’est pas de notre faute, je le jure, ce n’est pas de notre faute, c’est de la faute de toute personne qui était au pouvoir et s’y est accrochée”, a-t-il gémi en sanglotant, la tête rentrée dans les épaules.

“Je veux partir”, a-t-il ensuite lancé avant de se lever précipitamment et de quitter le studio.