Dans un article publié, le 7 janvier 2011, alors que le pays était encore sous le régime de Ben Ali et que le désordre total sévissait dans plusieurs zones intérieures, principalement à Sidi Bouzid et Kasserine, nous avons parlé de la crise d’emploi et les éventuelles voies de sortie. A cette date, la situation était assez critique alors que la mort de Bouazizi a provoqué une vague de manifestations violemment réprimées par la police. Nous avons alors parlé de l’incapacité des solutions conjoncturelles à donner une issue à la problématique du chômage.
On parlait d’un plan d’action en cours d’élaboration pour stimuler l’emploi. Les initiatives se sont multipliées, durant cette période, de la part des entreprises, des organismes et des institutions pour annoncer leur contribution à la création de milliers de postes d’emploi. Ceci n’a pas empêché les protestations de faire une tâche d’huile et d’atteindre tous les gouvernorats du pays pour atteindre la capitale.
A cette date, le pays était sous le choc. Les images et les vidéos qui circulaient sur facebook nous semblaient venir d’un autre monde. Toute cette violence, tout ce chaos, toutes ces tueries perpétrées par des agents de la police, nous laissaient ébahis. Le droit à l’emploi et à la vie digne est-il devenu objet d’accusation? Ces revendications, aussi légitimes soient-ils, ne trouvaient pas d’écho. Et toutes les annonces concernant la création de milliers d’emplois ont été vite décrédibilisés par les Tunisiens. On ne fait plus confiance au langage des chiffres, qui s’est avéré dénué de toute véracité.
Perte d’emploi et de croissance…
Une fois Ben Ali a pris la fuite et le nouveau gouvernement transitoire (en sa première et sa deuxième versions) s’est mis enn place, les craintes se sont amplifiées surtout avec les révélations sur la corruption des familles Ben Ali et Trabelsi. Une corruption qui -disent nos économistes- nous a fait perdre des milliers d’emplois et des points de croissance. La problématique du chômage aurait, donc, eu une autre facette, celle des abus de toute sorte. Les jeunes, essentiellement dans les zones intérieures et celles défavorisées, n’avaient plus confiance en les mécanismes de l’Etat. Le saccage de plusieurs bureaux d’emploi dans plusieurs villes en est une expression et donne une idée sur l’état de frustration dans lequel vivaient ces jeunes.
On aurait pensé à une solution conjoncturelle, en annonçant l’octroi d’une bourse de 150 dt pour les diplômés du supérieur travaillant à mi-temps, et qui n’a, d’ailleurs, pas trouvé un écho favorable auprès des concernés. Son application est restée lettres mortes. Les bureaux d’emploi n’ont jusque-là reçu aucune précision ni aucune directive de l’autorité de tutelle pour l’application de cette mesure. Du côté du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, les déclarations se font rares. On nous informe que les hauts responsables du ministère sont encore penchés sur la question et des réunions sont organisées fréquemment pour définir un plan d’action stratégique capable de présenter des solutions essentielles voire radicales.
Redonner confiance aux jeunes…
En attendant, certains experts du marché de l’emploi estiment que l’heure est à la réflexion prudente. Il est important d’éradiquer toute sorte d’abus et de corruption dans le secteur public et de favoriser l’égalité des chances. Une vidéo qui a circulé ces derniers jours sur Facebook montrait des sacs poubelles pleins à craquer de demandes d’emploi dans une administration publique. Certains dossiers comportaient même des diplômes originaux. Une vidéo choquante pour certains, mais qui montre la gravité de la situation dans laquelle vivait le pays pendant 23 ans de règne. Comme première étape, les autorités de tutelle devraient, d’abordôt, redonner confiance à ces jeunes dans les institutions de l’Etat comme garantes de l’un des droits les plus fondamentaux de l’homme, à savoir l’emploi. Une étape essentielle qui ne pourra se faire sans la mise en place de mécanismes garantissant la fiabilité des mesures entreprises à leur profit.
Par ailleurs, il s’agit de faire participer les autres parties concernées par la question de l’emploi, en l’occurrence le ministère de l’Enseignement supérieur. Pendant des années, on a spéculé sur des spécialisations qui n’ont aucun débouché ni aucun avenir. Elles sont tout simplement des machines à fabriquer des chômeurs alors que des ressources financières sont mobilisées à cette fin… pathétique, mettant à mal des milliers de jeunes diplômés.
Il est aussi question de repenser le rôle de la société civile qui a été longtemps asservie au régime. Son implication dans le processus de décision, d’autant plus qu’elle est en contact plus direct avec les jeunes. En attendant, ces jeunes se sont convertis au tissu associatif pour défendre leurs droits. Des associations pour les jeunes chômeurs ont été créées, il y a quelques jours, dénotant un besoin urgent d’encadrement et de soutien de cette catégorie sociale.