Cette opinion venant d’un quelconque , loin d’être un appel à la rue, est une contribution très modeste au débat sur la question de savoir s’il faut ou non dissoudre le rassemblement constitutionnel démocratique , ex-parti unique du régime . Entre ceux qui sont de cet avis pour diverses raisons subjectives et objectives et ceux qui au nom du principe de la non exclusion sont d’un avis contraire, le débat doit tenir compte du sort du processus en cours. Lui garantir les meilleures chances de succès dépend des réformes politiques à concevoir. Pour les observateurs et une grande partie de la classe politique, la mise en œuvre de ces réformes sur les plans textuel et institutionnel est une garantie contre les dérapages et la rechute. Seulement, l’histoire de la Tunisie a démontré la fragilité de cette garantie limitée à des dispositions légales et à des structures déconnectées de la réalité. En témoigne le sort de la constitution de 1861 suspendue par simple décret beylical .. En témoigne aussi la constitution du 1er juin 1959 restée lettre morte au nom de l’unité nationale. Et au nom de la légitimité historique, feu Habib Bourguiba s’est arrogé une présidence à vie. En témoigne également la révision de la constitution suite au coup d’Etat médical de 1987 qui n’a pas connu un meilleur sort. L’abolition de la présidence à vie a été relayée par l’institution de la présidence à durée indéterminée .
Ces quelques exemples tirés de notre histoire et pas d’ailleurs, confirment qu’à côté du texte et des institutions, la réforme doit tout d’abord toucher au paysage politique par l’éviction des composantes susceptibles d’endiguer l’élan général qui tend à la consécration du pluralisme et de la suprématie de la volonté du peuple.
Le RCD qui depuis l’indépendance a régné en maître absolu , accaparant à lui seul tous les pouvoirs jusqu’au jour où son Président a fui le pays dans l’espoir d’y revenir un jour par d’autres moyens, ne peut pas s’engager sur la voie de la transformation en gestation. Evincer le RCD n’est donc pas une forme d’exclusion mais une mesure prudente pour préserver le processus et le mettre à l’abri du risque contre-révolutionnaire. Son éviction permet de débarrasser la place politique d’un intrus qui n’a pas les attributs d’un parti politique, soulager la scène d’un esprit malsain qui ne peut pas avoir droit de cité dans un environnement pluraliste et mettre hors d’état de nuire un danger public qui peut nous faire revenir à la dictature et à la médiocrité .
Débarrasser la place d’un intrus qui n’a pas les attributs d’un parti politique
A part un statut de fait contestable , le RCD n’a pas les attributs d’un parti politique . Ses structures centrales et régionales ne sont que des doublures qui décident souvent en lieu et place des structures officielles. L’administration et l’entreprise publique sont à ses ordres .
Toujours au service de son excellence le dictateur pour être son bras exécutif «dans les moments difficiles», il ne se mobilise que pour le soutenir ou attaquer ses adversaires. Ses militants s’ils ne sont pas des profiteurs en quête de quelques faveurs, sont des vigiles qui quadrillent les populations ou des petits dictateurs qui s’infiltrent dans les divers espaces associatifs et professionnels pour contrecarrer tout souffle de liberté . Son idéologie est le discours du Président de la République truffé de langue de bois et de contrevérités. Ses locaux sont un lieu de rencontre pour quelques jeunes et moins jeunes sans occupation. Ses activités sont la surveillance des citoyens et la délation. Ses actions sur le terrain sont les campagnes présidentielles folkloriques ou des actes de violence et de vandalisme lorsque la direction du parti leur en donne l’ordre comme nous l’avons vécu lors des derniers événements .
Soulager la scène politique d’un esprit malsain
La majorité écrasante des adhérents du RCD et ceux qui le sont encore ne sont intéressés que par les petites cupidités ou les tentations anti-sociales que leur procure leur adhésion à ce parti. A commencer par ceux qui souhaitent obtenir une permissivité indue ou une aide sociale jusqu’en arriver à ceux qui aspirent à des fonctions et des responsabilités politiques.
Cette catégorie de tunisiens pensent que le fait d’être dans le RCD leur donne droit à des privilèges et des exceptions au mépris de la loi et des impératifs de la citoyenneté.. Leur seule ligne de conduite sont l’opportunisme en se faufilant partout dans les rouages du parti et l’hypocrisie en affichant une fausse obédience. Le maintien du RCD leur donne l’espoir de pouvoir revenir un jour sur scène avec le même esprit, les mêmes tentations et les mêmes attitudes.
Néanmoins, l’éviction du RCD qui va soulager la scène de cet esprit malsain ne suffit pas à faire changer les mentalités. Un travail d’encadrement en profondeur attend la société civile pour éradiquer cet esprit et cultiver d’autres valeurs. A ce titre l’adhésion à un parti politique de quelque couleur qu’il soit ne procure ni faveur ni avantages mais doit être perçu comme étant un engagement , une mobilisation et un militantisme sans contrepartie .
Mettre hors d’état de nuire un danger public
Durant les 50 dernières années, le parti a déployé une milice comprenant des délinquants de tous bords. C’est un parti qui a , en outre , manqué à l’objet de sa mission pour menacer la population . Rien que pour cette raison, il doit disparaître. Les arguments juridiques aussi bien dans le droit commun que dans la loi sur les partis ne manquent pas. Nos juristes sont capables d’obtenir la dissolution du RCD par la voie judiciaire
Permettre au RCD de revenir à la vie publique après tout le chaos dont il a été un des principaux acteurs peut être fatal sur le processus de transformation. Ses adhérents qui craignent pour leur situation et redoutent le regard des autres vont devoir le soutenir non pas par principe ou par conviction mais pour s’assurer une protection contre une éventuelle chasse aux sorcières. Conséquence : une partie de la population des électeurs se prononcera en faveur du parti de l’ancien régime; une brèche pourrait s’ouvrir dans l’édifice pour neutraliser peu à peu la règle démocratique et torpiller ainsi la volonté du peuple.
Et ce ne sont pas les promesses des «honnêtes militants du RCD» qui feront de ce parti un paradis démocratique car la question s’attache à une structure et un esprit et non à des personnes et à des noms. Ces derniers ont beau être honnêtes, leur appartenance à une organisation non citoyenne justifie le scepticisme à leur égard .