«Ce que nous demandons sont nos droits et non pas des revendications. L’emploi
est un droit, le développement est un droit, l’amélioration des conditions de
vie est un droit. La problématique du chômage n’est pas nouvelle. Elle est même
historique. Des générations entières la subissent. Vous nous demandez d’être
patriotiques mais nous sommes en mal d’être. Nous sentons la marginalisation et
la méfiance de “nos” responsables. Dans ces circonstances, le sentiment
d’appartenance n’a plus aucun sens», a lancé un jeune gafsien, lors de la
réunion qui a rassemblé, ce 9 février 2011, une délégation du bassin minier de
Gafsa avec le ministre de l’Industrie et celui du Développement régional.
En évoquant le bassin minier, on ne peut pas ne pas rappeler les violentes
émeutes qui ont secoué cette région en 2008 et qui restent encore gravées dans
les mémoires. Au centre des revendications, la Compagnie des Phosphates de Gafsa
(CPG) qu’on soupçonnait de corruption, de falsification des concours, de
discrimination à l’égard des natifs de la région. Une cinquantaine de jeunes et
de moins jeunes gafsiens se sont déplacés à Tunis pour témoigner d’une situation
assez critique qu’ils vivent déjà depuis plusieurs années. D’ailleurs, un sit-in
est actuellement en cours pour revendiquer le droit au travail pour des milliers
de familles du bassin minier.
Bien qu’après les événements de Redayef en 2008, les autorités de l’ancien
régime aient réagi -tardivement bien sûre- en annonçant des projets industriels.
Une journée de partenariat a été même organisée à l’époque. Des entreprises
étrangères se sont implantées. Mais il s’avère que ceci n’est pas suffisant pour
calmer la colère des gens de la région. Les solutions proposées ne résolvent en
rien les réels maux du chômage au sein du bassin minier. Dans une zone qui
compte plus de 17 mille familles, le chômage est devenu coutumier. Selon un
intervenant, le taux de chômage est de 12,9% -information à vérifier- et
concerne tous les âges et tous les niveaux scolaires.
Des conditions de vie difficiles…
On évoque les difficiles conditions de vie, l’infrastructure médiocre, les
responsables corrompus, etc. Le pouvoir était centralisé, et s’intéressait peu
aux zones intérieures dans le gouvernorat de Gafsa. La caisse créée
exclusivement pour la promotion du bassin minier servait des intérêts
particuliers et son intervention était très réduite dans les zones concernées, à
l’instar de M’dhila et Metlawi. «Nous ne voulons pas des solutions
conjoncturelles mais des solutions qui s’attaquent à la racine du mal. Nous
avons été pour longtemps marginalisés sur le plan social et économique. Nous
demandons qu’on nous donne plus d’opportunités. Notre demande essentielle est
que la CPG recrute une personne par famille», déclare un intervenant.
Une demande à laquelle Ahmed Néjib Chebbi, ministre du Développement régional, a
exprimé sa réticence, estimant qu’il est impossible actuellement pour la CPG
d’absorber 17 mille personnes à la fois. Il indique, toutefois, que la capacité
immédiate est de 2.000 personnes. «Le recrutement se fera dans la transparence.
Et on exercera la discrimination positive au profit des originaires de la
région. D’ailleurs, je vous propose la création d’une commission composée de
représentants du bassin minier et de la CPG pour décider des recrutements à
venir», affirme M. Chebbi.
Des revendications et des négociations…
Il ajoute qu’une enquête sera menée pour auditer la Compagnie des Phosphates de
Gafsa. Les intervenants ayant évoqué les primes substantielles accordées à ses
cadres et les dépenses mal placées. Les revendications ont également porté sur
la suppression de la sous-traitance qu’on estime avoir aggravé la situation,
l’amélioration de l’infrastructure, l’ouverture de certaines mines qui ont été
fermées, l’indemnisation des accidentés de travail, la création de postes
d’emploi pour les jeunes diplômés, l’amélioration des structures sanitaires,
l’exploitation des terres agricoles, etc.
D’un autre côté, on a évoqué la question de la pollution liée au Groupement
Chimique Tunisien à M’dhila. Les habitants de cette zone souffrent d’un haut
niveau de pollution qui, selon eux, a provoqué des maladies graves telles que le
cancer. En réponse, M. Chelbi a affirmé qu’un programme est prévu par la société
pour la réduction de la pollution.
Bien que la réunion ait eu l’avantage de dresser l’état des lieux dans la zone
du bassin minier et donné la parole à ces habitants, elle n’a pas réussi à
satisfaire leurs revendications, et ce d’autant plus qu’ils veulent qu’elles
soient immédiatement satisfaites, essentiellement celle relative au recrutement
au sein de la CPG. En attendant, les négociations avec les autorités concernées
devront se poursuivre. M. Chebbi a demandé la constitution d’un groupe de dix
personnes qui seront en contact permanent avec le ministère pour fixer un plan
de travail qui satisfasse toutes les parties.