Insécurité, contestations tous azimuts et revendications exprimées orbi et urbi: les manifestations de désordre qui ont cours dans le pays inquiètent plus d’un. Le président par intérim a beau faire un appel à la patience, les choses n’ont pas l’impression de rentrer dans l’ordre. Et il est à craindre que le jour où les choses se tasseront, cela soit trop tard pour l’économie. Des pans entiers de l’activité économique seront endommagés et des emplois seront perdus.
Les Tunisiens ont été gavés, pendant les vingt-trois ans du règne de Ben Ali, d’un discours on ne peut plus démobilisateur. Ils ont, en effet, été abusés par de nombreuses déclarations leur faisant croire que tout allait toujours bien. L’économie aurait même réussi à prendre le dessus sur la crise économique mondiale. Les investissements étrangers étaient quasiment amoureux de la destination Tunisie et le développement régional était inscrit dans les priorités de tous les plans et programmes du pays. On sait comment cela s’est terminé: tout le monde a fini par découvrir le tissu des mensonges fait autour de ce discours.
Un autre discours non moins mobilisateur le remplace depuis quelques jours. Il consiste à dire que les choses finiront par s’arranger et que le climat de sécurité et de chaos que traverse le pays finira par passer. Un discours qui paraît à plus d’un observateur des plus dangereux. Car, si tout cela doit évidemment finir par se calmer, il faut s’interroger à quel prix cela se fera!
Arrêtons-nous un instant pour dessiner les contours de ce qui se passe, aujourd’hui, dans notre pays. Premièrement, une insécurité qui favorise tous les excès: spoliation de biens d’autrui, passe-droits, incendies de locaux,…
Deuxièmement, une contestation des responsables et des décisions: on ne compte plus les PDG, DG, gouverneurs, délégués et autres directeurs,… que l’on a chassé de leurs bureaux; comme on ne compte plus les arrêts de travail dans les administrations et les entreprises, qui pour engager une contestation, qui pour s’enquérir d’une nouvelle,… Cela dans le cas où cet arrêt n’est pas imposé par des contestions venues du dehors. «Je ne regarde plus la feuille de présence, nous assure un responsable des ressources humaines dans une banque publique. Tout le monde a peur d’un soulèvement (sic)!».
Troisièmement: des revendications exprimées orbi et urbi et à tous les niveaux de la société. Des revendications que tout le monde, de surcroît, veut voir aboutir au plus vite, exprimées souvent avec beaucoup d’émotion –tout le monde pratiquement crie.
«Il ne faut pas sortir, de Harvard pour ainsi dire, pour imaginer la suite»
Une impatience qui a obligé le président de la République par intérim à sortir, le soir du mercredi 9 février 2011, à la télévision pour demander à tous les Tunisiens de faire preuve de patience. Mais une fois le jour levé, tout le monde a vu que cette impatience a encore de beaux jours devant elle.
Mais où va-t-on ? «Il ne faut pas sortir, pour ainsi dire de Harvard, pour imaginer la suite», note un chef d’entreprise. Si cette gabegie se poursuit, les choses vont aller de mal en pis. Et, il est à craindre que l’économie, qui est basée sur un ensemble d’équilibres, ait toutes les peines à redémarrer. Des pans entiers de l’économie, notamment ceux faisant l’objet de relations contractuelles avec l’étranger –tourisme, textile, électricité, mécanique,…-, seront alors endommagés et des emplois seront perdus. Du moins pour un temps.
Ensuite, de mauvaises habitudes et des situations nées du désordre pourraient constituer des «acquis» sur lesquels il ne sera, peut-être, plus possible de revenir et favoriseront un endettement du pays qui sera ou «légué» aux générations futures ou payé par les Tunisie rubis sur l’ongle sous forme de contraintes qui toucheront tôt ou tard à l’indépendance du pays.
Avant d’ajouter que «l’on a beau nous dire que les tours-opérateurs, ces grands grossistes du monde du voyage, ou que les investisseurs étrangers veulent investir en Tunisie, mais on omet de poser la question suivante: jusqu’où et jusqu’à quand? Imagine-t-on, pour les premiers, qu’ils vont bloquer des chambres et des sièges d’avions qu’ils ne réussiront pas à commercialiser ou qu’ils sont, pour les seconds, prêts à attendre jusqu’à la fin des temps que cela se calme».
«Sans oublier que la nature a toujours horreur du vide. Les professionnels ne sont-ils pas sollicités par d’autres destinations? Ne sont-ils pas guidés par des intérêts économiques? N’ont-ils pas des échéances à respecter ? Sont-ils prêts à faire un saut dans l’inconnu?», s’interroge notre chef d’entreprise.