évrier 2011 à Washington (Photo : Karen Bleier) |
[14/02/2011 10:20:54] NEW YORK (AFP) Ceux qui pensent qu’internet est le temple de l’anonymat feraient bien de méditer l’exemple de Christopher Lee, un élu américain qui a eu la mauvaise idée de poser torse nu et d’envoyer la photo à une femme contactée sur un site de rencontre.
Le parlementaire républicain, qui est marié, a sans doute pensé que Craigslist était l’endroit idéal pour un rendez-vous discret.
Mais en un rien de temps, la photo un peu ridicule de ses pectoraux s’est retrouvée sur le site de potins Gawker.com, le contraignant à la démission mercredi quelques heures seulement après l’explosion du scandale sur la toile.
A ses débuts, le web ressemblait à un monde virtuel parallèle où tout était possible. Aujourd’hui, “tout le monde vit sous le microscope”, selon Michael Fertik, président de Reputation.com, un site qui aide à “nettoyer” les archives d’une personne sur internet.
Ce microscope est extrêmement puissant, si l’on en croit le nombre d’informations disponibles en ligne et dont M. Fertik a établi la liste: “vos goûts musicaux, vos amis, ce que vous achetez, où vous vivez, où vous allez en voyage, les sites que vous visitez sur internet, vos problèmes de santé, ce que vous mangez, ce que vous faites comme sport, la taille de vos vêtements, le nom de tous les membres de votre famille, vos opinions politiques”…
Sans compter les photos compromettantes de soirées avinées, les vantardises sexuelles, les imprécations et autres erreurs de jugement manifestes qu’encouragent des sites comme Facebook, Flickr, YouTube, Twitter et autres.
Si Christopher Lee s’est jeté la tête la première dans les ennuis, que penser du cas d’Ashley Payne, une enseignante américaine licenciée après des photos la montrant sur Facebook tenant un verre de vin et un verre de bière pendant ses vacances?
Le plus inquiétant, selon les observateurs de la toile, c’est que dans le monde virtuel, dont les archives sont immenses, rien de votre passé ne disparaît. “Actuellement, il n’y a pas de touche ‘supprimer’ sur internet”, souligne M. Fertik.
ès à Washington, le 10 février 2011 (Photo : Saul Loeb) |
Pour les annonceurs publicitaires, ces archives sont une mine d’or. Pour les employeurs ou les simples curieux, c’est un appel au voyeurisme.
Un sondage Microsoft montre que 70% des employeurs ont déjà refusé des candidats après une recherche Google.
Une application iPhone, appelée Date Check, vous permet de vérifier le casier judiciaire et le patrimoine de la personne avec qui vous avez un rendez-vous galant. Et l’on devrait bientôt voir fleurir les systèmes de reconnaissance faciale, permettant de retrouver une personne en ligne grâce à sa photo.
Pour Viktor Mayer-Schoenberger, de l’institut pour internet d’Oxford, au Royaume-Uni, l’impossibilité d’échapper au passé est un problème “car pour pouvoir pardonner, il faut pouvoir oublier”. Et pour les jeunes gens qui font aujourd’hui un usage intensif des réseaux sociaux, le contrecoup risque de ne se faire sentir que dans une décennie, quand ils chercheront à obtenir des postes prestigieux ou politiquement sensibles.
Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, estime que la société saura s’adapter. Aujourd’hui, “les gens sont plus à l’aise non seulement pour partager plus d’informations, mais pour le faire de manière plus ouverte et avec plus de gens”, affirme-t-il, jugeant que “la norme sociale a évolué”.
“Certains disent que la culture change. Je suis d’accord sur le fait que la photo de quelqu’un en train de boire aujourd’hui n’aura peut-être aucune importance dans 30 ans”, répond M. Fertik. “Mais quelque chose aura de l’importance, et nous ne savons pas encore quoi”.