Des
fonctions nouvelles, une offre pluri-média et une quête de partenariat technique
avec des opérateurs étrangers. Tel est le quotidien des médias en Tunisie ce 16
juin 2014. Mais aussi: un suivi quasi quotidien des résultats des mesures
d’audience, une Cité des médias,… Et une Haute autorité de la presse régulant le
marché, une loi sur la liberté de la communication audio-visuelle et une Charte
des contenus numériques.
Mehdi D. réunit, en ce lundi 16 juin 2014, six de ses collaborateurs dans son
bureau situé au troisième étage d’un bel immeuble du quartier du Lac. Tous les
responsables du groupe de presse qu’il dirige depuis presque une année sont là:
le directeur des rédactions, mais aussi le directeur stratégique, chargé du
positionnement des différents supports et de leur complémentarité, le directeur
du marketing, chargé de l’«écoulement» des supports du groupe, le directeur dit
«des communautés», responsable de la fidélisation autour des supports du groupe
des «consommateurs» sur le Net, le directeur financier et le directeur
technique.
Au menu de la réunion, les résultats des mesures d’audience d’une émission
produite par le groupe et diffusée la veille sur une des six chaînes de
télévision généralistes que compte la Tunisie. Il s’agit d’un «docudrama» -un
documentaire dramatique- qui raconte la mort d’un prisonnier dans le sud de la
Tunisie au temps de la période coloniale. Diffusé en Prime time, ce documentaire
n’a pas récolté une bonne audience (seulement 6% d’audience).
Il faut dire que l’émission a souffert de la diffusion sur une chaîne
concurrente de la cérémonie d’ouverture du 2ème Festival du film d’aventures de
Kasserine qui a vu la participation de grandes figures du sport et du cinéma
mondial. Avec la diffusion d’une partie du spectacle, sons et lumières,
retraçant l’histoire de la flore et de la faune dans cette région.
«Nous avons perdu une bataille, mais pas la guerre», souligne Mehdi D., en
présence d’Alfred, le consultant belge en développement du groupe que dirige
Mehdi D. et qui comporte trois journaux électroniques généralistes, un journal
électronique scientifique et technique, une radio sur le web, une maison de
production audio-visuelle et un mensuel -papier. Grand, mince, yeux verts et
cheveux poivre et sel, ingénieur en télécommunications, Alfred a débarqué il y a
quelques jours de sa Liège natale pour étudier la possibilité d’un partenariat
technique avec Mehdi D.
Tel est, en effet, le quotidien d’un groupe de presse tunisien aujourd’hui: des
fonctions nouvelles, une offre pluri média et une quête de partenariat technique
avec des opérateurs étrangers.
Mais pas seulement. Le développement de la tendance vers le pluri média fait que
les journaux format papier, sans disparaître, se sont tournés vers des segments
précis. L’actualité est l’affaire des supports numériques: ordinateurs et autres
planches médiatiques (tablettes, iPhone,…). Le retour sur l’actualité par
l’investigation et le commentaire ou encore par l’analyse est l’affaire du
papier. Mehdi D. consacre, d’ailleurs, son mensuel de 48 pages à de longs
articles qui décortiquent notamment les faits et gestes de tous les acteurs de
la vie publique. Le numéro de juillet 2014, en préparation, comporte,
d’ailleurs, un dossier sur les chances de développement du tourisme intérieur
dans le Centre ouest de la Tunisie et notamment au tour du Djebel Châambi.
Cette nouvelle orientation assure le développement du débat des idées. Outre les
journalistes, les universitaires et les représentants de la société civile
tunisienne ont multiplié les interventions dans les journaux d’opinions et des
journaux de partis, encouragés par la dynamique démocratique née de la
révolution du 14 janvier 2011. On voit des journalistes maghrébins, mais aussi
arabes publier, de plus en plus, de chroniques dans ces journaux sur l’état du
monde.
Autres questions débattues au cours de la réunion présidée par Mehdi D.: un
contrat entre son groupe de presse et «Akbaartounesna», un agrégateur tunisien
de contenus, un portail qui référence les contenus par thème et
chronologiquement. «Un site sur lequel il faut être présent si l’on veut
exister», note Mehdi D.; un second contrat avec «Hadithassaa», un réseau social
typiquement tunisien sur lequel tous les médias tunisiens ont décidé de créer
leur page.
La Haute autorité de la presse veille au grain
Inutile de préciser que ces changements ont amené d’autres. Au premier rang
desquels, l’engagement des médias dans des politiques de management de la
qualité. Les journaux, les radios et télévisions ainsi que les journaux
électroniques ont été visités par des consultants qui ont mis en place des
procédures de gestion dont celles qui touchent au traitement de l’actualité.
Inutile de préciser que les espaces dans les journaux ont évolué: les
journalistes devenus plus mobiles et travaillant à distance, les médias ne
s’investissent plus dans de grands bâtiments. Une des radios tunisiennes a élu
domicile dans un local de 49 mètres carrés. Un journal électronique est, pour
ainsi dire, une simple boîte aux lettres: tous les journalistes se réunissent un
jour par semaine dans une salle louée dans un hôtel situé sur l’Avenue de la
Révolution du 14 janvier 2011. Pour le reste, tout se fait grâce aux nouvelles
technologies: réception des articles, correction, mise en page,… Les demandes
d’information et la coordination se fait par le biais des mobiles.
A quelques encablures du quartier du Lac 2, une nouvelle cité va voir le jour:
la Cité des médias de Tunis dont le projet a été discuté entre l’Association des
patrons de la presse audio-visuelle et deux groupes émirati et indonésien. Elle
devra comporter des bâtiments pour accueillir des radios, des télévisions, des
journaux électroniques du Maghreb, mais aussi des maisons de production comme la
tunisienne «Segment Tv» qui sous-traite des documentaires pour la BBC (British
Broadcasting Corporation), le radiodiffuseur public britannique.
Côté organisation, la Haute autorité de la presse, qui est un organisme de
régulation de la presse quel que soit le type de média (presse écrite,
audio-visuelle et électronique), créée il y a deux ans, veille au grain en
matière de déontologie. Elle regroupe outre les représentants des patrons de
presse, des représentants des journalistes, des représentants des agences de
publicité, des représentants des organismes de sondages et des représentants des
consommateurs des médias, tous élus par leurs différentes corporations et tous
représentés au niveau de son Conseil d’Administration.
La radio du groupe de presse que dirige Mehdi D. s’est, du reste, faite
épinglée, pour ainsi dire, début mai 2014, par cette Haute autorité de la presse
à l’occasion de la diffusion d’un grand reportage. La Haute autorité a sommé la
radio de respecter les règles de déontologie dont la loi sur la liberté de la
communication audio-visuelle introduite en 2012. Idem pour un autre reportage
publié sur le même sujet publié dans un des journaux électroniques du groupe qui
a été invité à respecter la Charte des contenus numériques signée par Mehdi D.
en personne, à la clôture des états généraux de la presse électronique, qui se
sont tenus en avril 2013, à Mahdia.