Tunisie : Bou Salem, pôle régional maghrébin du Bio!


bio-bousselim-320.jpgTôt
ce matin du 16 juin 2014, sur l’autoroute A3, une file de gros camions
transportant fruits et légumes bio en provenance d’une des nouvelles
“Californies“ de Tunisie Bou Salem, se suivent à une vive allure en direction du
marché de gros de Tunis et des usines de transformation.

Le spectacle de ce défilé de transporteurs de richesses est le même sur les
autoroutes A2 et A1, sur les autres tronçons autoroutiers et voies expresses de
toute la Tunisie : Hammamet –Tunis, Zaghouan- Tunis, Enfidha-Sousse, Mahdia-
Monastir, Sidi Bouzid-Sfax, Metouia-Gabès, Zarzis-Médenine, Zarzis-Djerba….

Des camions, estafettes et autres véhicules utilitaires, tous pleins à craquer
de tomates, oignons, poivrons, pommes, citrons, navets, céleris, choux …
approvisionnent quotidiennement usines et marchés du pays en légumes et fruits à
des fins de consommation et de transformation.

Fruit d’une politique agricole volontariste suivie, depuis la révolution du 14
janvier 2011, laquelle a permis à la Tunisie de retrouver sa vocation ancestrale
de pays essentiellement agricole, la production agricole a plus que triplé.

Pour atteindre ce résultat, les pouvoirs publics ont programmé, partout dans le
pays des extensions significatives des superficies réservées à la
céréaliculture, aux cultures maraîchères, cultures géothermiques à grande valeur
marchande au sud, arboriculture fruitière (orangeraies, pommeraies amanderaies,
oliveraies…).

Résultat: le pays a réalisé pour la première fois dans le monde arabe et
en Afrique non seulement son autosuffisance en fruits et légumes mais aussi
dégagé d’importants excédents destinés à l’exportation et à l’agro-industrie.

Mieux, cette stratégie agricole n’a pas eu pour seul mérite d’accroître la
production mais surtout de lui assurer une grande valeur ajoutée, et partant,
d’ériger l’agro-industrie en véritable filière stratégique.

Partout des usines de transformation ont été créées –ou en cours de création-
aux alentours des zones de production. Une dizaine d’usines de minoteries et
d’unités de production de dérivés des céréales dans les grandes régions
céréalières: Siliana, Le Kef, Jendouba et Béja. Une dizaine d’unités de
transformation ont été créées à la périphérie des orangeraies et des vignobles
du Cap Bon.

De nouvelles huileries modernes ont été construites dans les anciennes et
nouvelles régions oléicoles. D’autres ont vu le jour aux alentours des vignobles
du Cap Bon, et des dattiers du sud du pays et des cultures maraîchères
développées aux alentours de barrages et du canal Medjerda prolongé jusqu’au sud
du pays.

En érigeant l’agro-alimentaire en branche stratégique, la Tunisie a atteint
moult objectifs: accroître la production, contribuer, de manière significative
la sécurité alimentaire du pays, assurer une valeur ajoutée certaine aux
produits agricoles, inscrire la production agricole dans la durée, et surtout
créer partout dans le pays des centaines de milliers d’emplois permanents.

Dans la perspective de faire fonctionner les usines régulièrement, des
contrats-production ont été conclus entre agriculteurs et industriels, le but
étant de stabiliser la production, d’en assurer la régularité et de pérenniser
l’activité de transformation. Tout un programme mené avec doigté et
professionnalisme. C’est que le dossier agroalimentaire ne manque pas d’enjeux.
Il y va de la pérennité de l’économie du pays et même de son immunisation.

Faut-il rappeler que la Tunisie demeurera avant tout un pays à vocation
agricole. L’agriculture contribue au PIB à hauteur de 14% (contre 3% pour le
secteur bancaire). Nos ancêtres ont eu le grand mérite de développer des
produits agricoles de grande qualité qui continuent, jusqu’à ce jour, à forcer
le goût des consommateurs partout où ils se trouvent: il s’agit des céréales,
huile d’olive, dattes, agrumes, raisin transformable, des tomates et de la pomme
de terre.

Il faudrait leur ajouter d’autres produits à haute valeur ajoutée, les dérivés
des céréales, plantes aromatiques et médicinales (huiles essentielles: néroli,
romarin…); légumes (artichaut…), fruits (grenades, abricots; pommes…, fruits de
mer…).

De toute évidence, la Tunisie dispose d’un important potentiel de produits qui
ne demandent qu’à être valorisés et transformés. La Tunisie, héritière de
l’ambitieuse cité de Carthage, a enfin compris qu’elle a tout à gagner à
développer et à valoriser une complémentarité structurelle entre l’agriculture
et l’agro-industrie. La transformation constitue désormais un soutien important
au développement de l’agriculture tant elle contribue à la diversification des
produits et à l’élargissement de sa base de production.

Conséquence: la Tunisie a bien fait de se spécialiser, désormais, dans
l’agroalimentaire, une activité dotée de tous les attributs nécessaires pour
assurer l’immunité souhaitée de l’économie du pays avec des produits à notre
portée et dont nous maîtrisons, en plus, et la culture et la traçabilité.

La communauté nationale a survécu, des siècles durant, grâce à la culture et à
l’exploitation de ces produits. Les Tunisiens auraient pu accéder à des paliers
supérieurs de progrès et de développement s’ils s’étaient employés, dès l’accès
à l’indépendance, à assurer à ces produits la valeur ajoutée requise et à y
apporter la touche de l’homme.

Pour mémoire, ces produits sont écoulés, jusqu’à une récente date, en vrac.
L’huile d’olive et le vin tunisien sont vendus à l’étranger comme de vulgaires
breuvages dans des bateaux citernes à des concurrents (Espagne, Italie…) qui en
tirent de juteux profits en leur apportant une plus-value à travers la
labellisation et un design plus attractif.

C’est pour dire que la marge de manœuvre demeure très importante pour les
transformateurs tunisiens.

A titre indicatif, la tomate fraîche tunisienne, valorisée, antérieurement, par
un seul produit industriel, le concentré, est, actuellement, transformée dans
les produits industrialisés en une quinzaine de variétés (tomates à la
provençale, farcies), sauce tomate (ketchup, jus de tomate…).

En cette période de succession des crises, d’incertitudes et de risque de famine
(flambée des prix des produits alimentaires sur le marché mondial…), le bon sens
nous commande d’investir encore plus dans ce que nous pouvons faire le mieux,
ici le tandem agriculture-agro-industrie.