Tunisie : «J’oscille encore entre optimisme et craintes, mais la Tunisie est en démocratie»


democracy-art.jpgQuand,
aux premiers jours de la révolution, nous avons, Sélima Abbou et moi, lancé le
slogan «Invest in Democracy», les gens nous ont regardés de travers puisque
c’était encore le «chaos».

Nous l’avions lancé en pensant à deux choses:

– Nous allons œuvrer pour préserver notre liberté naissante et construire la
démocratie;

– Tout investissement dans une démocratie est par définition un investissement
durable.

A l’époque, nous nous sommes démenés pour éviter à notre pays le chaos, à
préserver les acquis des deux Indépendances (20 mars 1956 et 14 janvier 2011)…
Depuis, les événements vont encore trop vite pour faire un bilan. Je vais tout
de même essayer de souligner quelques points importants.

Quand on voit qu’aujourd’hui, nous avons 16 télévisions numériques, 30 Radios
nationales, des dizaines de webTV et des centaines de radios «pirates», on ne
peut que ce réjouir! Quand on voit le nombre de journaux qui fleurissent encore,
on peut être fiers! Des médias libres sont la garantie d’une démocratie durable.
Pour l’anecdote, je suis amusé de voir que les chaînes qui ont fait les pires
heures de Ben Ali et joué un jeu dangereux aux premiers jours de la révolution
sont en passe d’être vendues aux enchères.

L’autre point marquant, c’est la démocratie locale: la disparition des omdas et
des délégués a été une revendication forte de la révolution. Le redéploiement
des municipalités (nous en avons 600 aujourd’hui alors que nous n’en avions que
240 en 2011) et leur rôle social important sont également gage de maturité.

Quand je vois la dernière campagne électorale pour les municipales, je ne peux
qu’être confiant: des projets, des idées originales pour le développement du
territoire, pour la gestion municipale, etc.

D’un autre côté, je suis un peu inquiet puisqu’à 9% de croissance annuelle, nous
sommes encore loin de rattraper le retard accusé en 2011. Il est important que
l’état continue sa politique de Grands Projets. L’autoroute de l’ouest,
Béja-Kef-Thala-Kasserine doit être finalisée dès que possible et il serait
peut-être opportun d’anticiper la suite afin de désenclaver complètement toutes
les villes de Tunisie.

L’année prochaine, c’est également la fin de la période de grâce pour la dette
du pays, je suis étonné de voir que le «camarade ministre» de l’économie tarde à
entamer les négociations afin de redéfinir un échéancier. Il serait également
temps que le «camarade» réalise ses promesses électorales quant à la taxation
des revenus immobiliers et à la création de Zones Franches. De même, il est
temps de faire pression sur le Maroc pour que le dinar maghrébin devienne une
monnaie unique au Maghreb.

Sur le plan des droits de l’homme, qu’attend le ministre de l’Intérieur pour
présenter son projet de loi contre la peine de mort et pour lever le moratoire
sur les licences d’alcool! Il est temps que ce ministre se mette au service du
pays et non d’un groupe de pression traditionaliste!

En fait, le nombre de chantiers ouverts ou à ouvrir est tel qu’il faudra un
livre… mais il faut continuer à lister les problèmes avec pragmatisme loin des
calculs politiciens!

Pour conclure, je dirais que j’oscille encore entre optimisme et craintes, mais
une chose est sûre, la Tunisie est en démocratie! Et all of us should continue
the effort to «Invest in Democracy»!