élevage français de porcs (Photo : Denis Charlet) |
[16/02/2011 10:55:45] TAILLIS (Ille-et-Vilaine) (AFP) A première vue, Patrick Jezequel semble calme et paisible. Pourtant, ce producteur de porcs de 50 ans ne peut pas dégager de salaire de son travail et perd actuellement 3.200 euros par mois, uniquement pour faire fonctionner son élevage de 100 truies.
Installé à Taillis, au nord de Vitré, M. Jezequel est l’un des centaines d’éleveurs porcins français au bord du dépôt de bilan car confrontés à la hausse du coût de l’aliment pour leurs animaux, liée à l’envolée des cours mondiaux, une hausse qui n’est pas répercutée dans leur prix de vente.
“De juillet 2010 à janvier 2011, la tonne d’aliment a augmenté de 90 euros. Actuellement, l’aliment pour mon élevage me coûte chaque mois 4.700 euros de plus que l’an dernier. Mon prix de revient augmente, mais pas mon prix de vente”, constate-t-il, avant d’ajouter, impuissant: “Il faudrait que le prix (de vente) du porc soit indexé sur celui de l’aliment”.
Lundi, lors de la dernière cotation à Plérin (Côtes d’Armor) au marché du porc breton (MPB) qui sert de référence au plan national, les carcasses de porcs se sont négociées en prix de base de 1,249 euros le kilo, soit +0,3 centime qu’à la précédente cotation, quatre jours plus tôt.
“Il faudrait 25 centimes de plus par kilo. Avec ça, je pourrais me verser un salaire”, estime l’éleveur.
Le MPB observe pourtant que “le prix (de vente) moyen de janvier 2011 est en hausse de 14,3% sur janvier 2010”. Mais, concède-t-il aussitôt, “une hausse de 15% ne peut satisfaire les éleveurs dont les coûts de production ont augmenté en janvier 2011 de 30% par rapport à un an plus tôt”.
En cause principalement le cours mondial des céréales qui a atteint cette année un niveau particulièrement élevé.
“C’est une crise liée avant tout aux coûts alimentaires. Face à ça, même une concentration des élevages n’apporterait aucune économie d’échelle”, souligne Henri Daucé, de la Confédération Paysanne.
Il insiste également sur les marges des grandes surfaces dans un système où “l’éleveur est devenu la variable d’ajustement” bien que l’élevage français soit “très performant en terme de productivité”.
Dans son cas, Patrick Jezequel est totalement dépendant de ces cours mondiaux: il n’a “aucune marge de manoeuvre” dans la mesure où il est obligé d’acheter tout son aliment. “Si j’avais suffisamment de terre, je produirais des céréales et ça serait autant que je ne devrais pas acheter”. Mais ses quatre hectares sont insuffisants pour ça.
Le ministère de l’Agriculture a annoncé des aides pour les éleveurs en difficulté. Mais l’octroi de ces prêts à des taux particulièrement concurrentiels est décidé par les banques qui les accordent seulement aux producteurs leur offrant suffisamment de garanties. Patrick Jezequel n’entre pas dans cette catégorie.
Pourtant, ses résultats techniques sont plus qu’honorables et situent son élevage au-dessus de la moyenne en Bretagne, région qui fournit 56% de la production porcine nationale.
Il vit très modestement avec son épouse qui travaille à temps partiel à l’extérieur et il a dû racheter sa maison une deuxième fois. Mais ce qui lui coûte le plus, c’est “l’impact familial”: il a oublié le mot “vacances” et regrette surtout “les 10 années où je n’ai pas pu être assez avec mes enfants, quand ils avaient entre 10 et 20 ans”.
De ce métier choisi par passion, lui, le fils d’ouvrier, il dit aujourd’hui: “je suis comme le joueur de poker qui espère toujours qu’il va se refaire…”. Il sait aussi qu’il fait partie des “25% qui risquent de disparaître”.