Tunisie – Administration : La région au lieu de Wilaya

Nous Tunisiens, nous ne pouvons qu’être heureux en cette période révolutionnaire
bénie. En quelques semaines de révolution, nous avons accompli des miracles, et
ce de l’avis de tous les observateurs. Nous avons réalisé des raccourcis
heureux, épargnant à nos enfants d’éventuelles luttes sociales et politiques qui
auraient pu durer des années. Tous les mécanismes de la dictature ont été
supprimés. De nos jours, il n’y a plus de prisonniers politiques.

Les Tunisiens
peuvent, désormais, s’organiser librement en associations et en partis.
L’identité parti-Etat n’existe plus. La presse est libre. La justice est
indépendante…

Et pourtant, ce n’est jamais assez pour dissuader tout retour en arrière. Pour
consacrer une rupture totale avec l’autoritarisme, il me semble que parmi les
thèmes qui méritent une attention stratégique, figure la région et la
collectivité locale.

N’oublions pas que c’est dans une région déshéritée, Sidi Bouzid, que Mohamed
Bouazizi a consenti le sacrifice suprême en s’immolant par le feu. Son corps en
flammes, une véritable torche a fait le tour du monde et a ému l’humanité
entière ou presque. Un acte de liberté d’une grande pureté révolutionnaire.

C’est dans la région de Kasserine, une autre région de l’intérieur, que le plus
grand nombre de martyrs est tombé. La région du Kef a donné également des
martyrs, tout autant que les régions de Gafsa, Kébili, Médenine…

Des villages comme Thala, Ben Guerdane, Slimane, Ouerdanine, Aguerab, Sidi
Bouzaiene, Ain Draham, Tajerouine, et autres ont largement contribué à cette
révolution et acquis, par la même occasion, une légitimité historique.

Moralité: une des urgences de la révolution est de repenser un découpage
administratif désuet, abolir tous les symboles de servitudes administratives,
réhabiliter la région et les entités locales dans le sens d’une grande
autonomie. Il y a là une condition sine qua non pour cimenter une identité
commune, consolider l’appartenance à un même pays uni et indivisible.

Les think tank auxquels on a confié la réflexion sur le devenir du pays doivent
non seulement en tenir compte mais baliser des stratégies multidimensionnelles
(institutionnelles et juridiques) devant ériger les régions et les collectivités
locales en véritables entités autonomes, de véritables pouvoirs capables de
s’autogérer en toute indépendance.

Avec la révolution, Tunis n’est plus, hélas, la Tunisie. Avec la révolution, la
dénomination «Wilaya», qui signifie loyauté à l’administration centrale, doit
être purement et simplement supprimée. Il faut désormais appeler les choses par
leur nom. L’appellation «Wilaya» (gouvernorat en français) doit laisser la place
à celle de «la région» laquelle, il faut dire, n’a jamais existé en Tunisie.

Pourquoi? Tout simplement, pour qu’une région ait une existence réelle, elle
doit réunir deux facteurs majeurs. La région doit être représentée politiquement
par ses élus au niveau du pouvoir central et disposer de ressources financières
propres. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

La réunion des deux facteurs précités s’applique, également, aux collectivités
locales qui intéressent en priorité le Tunisien. D’ailleurs, il serait, à mon
avis, plus judicieux de commencer à réfléchir dès maintenant à la convocation,
dans les meilleurs délais, d’élections municipales. C’est l’échéance qui
concerne le plus les citoyens.

Ces derniers sont plus enclins, à la faveur d’une approche participative, à
participer de manière dynamique au développement local, et partant au
développement régional et national.

Dans cette perspective, la Tunisie peut s’inspirer de démocraties naissantes
comme c’est le cas de la démocratie espagnole. Juste après le départ du
dictateur Francisco Franco, les espagnols ont pris l’initiative d’organiser, en
premier lieu, des élections municipales. A méditer!