Akbar Al Baker rejette les remarques faites lors d’une importante réunion du Club International de l’Aviation à Washington.
Le président directeur général de Qatar Airways, Akbar Al Baker, répond aux commentaires émis par le secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes européennes (AAE) au sujet de la montée en puissance des transporteurs du Golfe et de leur impact sur l’industrie de l’aviation mondiale.
M. Al Baker a affirmé que les propos émis par Ulrich Schulte-Strathaus lors d’une réunion récente du Club International de l’Aviation à Washington étaient «dans les faits incorrects et infondés».
«J’ai récemment eu vent des commentaires émis par un de nos collègues, M. Schulte-Strathaus, … au sujet de la nécessité pour l’Organisation d’Aviation Civile d’intervenir dans la concurrence mondiale, comme c’est déjà le cas dans le domaine de l’environnement», a déclaré Akbar Al Baker.
«M. Schulte-Strathaus s’est focalisé sur la forte concurrence qu’imposent les compagnies du Golfe à leurs homologues. Normalement, j’aurais choisi de ne pas répondre directement aux appels visant à limiter la croissance des compagnies du Golfe, y compris celle de Qatar Airways».
«Cependant, puisque M. Schulte-Strathaus a choisi de s’adresser aux grands acteurs de l’aviation mondiale réunis à l’occasion d’un des plus prestigieux forums, j’ai pensé qu’il était nécessaire de mettre les choses au clair. Dans ses remarques, M. Schulte-Strathaus a inclus un certains nombres “d’éléments” avec lesquels je me permets d’être en désaccord. Les faits auxquels il a fait allusion sont les suivants:
1. La proximité géographique de Doha, Dubaï et Abu Dhabi crée des dysfonctionnements dans le secteur de l’aviation. La réalité est qu’il est assez commun d’avoir une multitude de hubs à proximité des uns des autres: Singapour et Kuala Lumpur; Paris, Amsterdam et Londres; Francfort, Zurich et Vienne; les aéroports de New York et ainsi de suite.
Par conséquent, le fait d’avoir trois hubs majeurs à une distance de 450 km n’est pas une nouveauté dans l’aviation.
2. M. Schulte-Strathaus a soulevé le problème selon lequel les gouvernements des Emirats Arabes Unis (EAU) et du Qatar considèrent les compagnies du Golfe comme faisant partie de leur stratégie nationale, en tant «qu’outils d’une chaîne économique verticale». Une fois de plus, il essaie de souligner une norme plus qu’une anomalie dans la structure géopolitique actuelle.
Je souhaiterais poser quelques questions à M. Schulte-Strathaus: Peut-il me dire sur l’ensemble des pays du monde, lequel ne considère pas son secteur du transport aérien, constitué d’une seule compagnie ou d’une multitude, comme faisant partie des intérêts nationaux?
N’est-il pas vrai que le gouvernement des Etats-Unis a injecté des liquidités dans ses compagnies aériennes qui ont également bénéficié d’avantages fiscaux et de «subventions d’assurances de guerre» après le 11 septembre afin d’assurer la continuité du transport aérien américain?
N’est-il pas encore plus vrai que la position des Etats-Unis a toujours été de préserver l’identité nationale et la propriété des compagnies américaines?
Et de l’autre côté de l’Atlantique, M. Schulte-Strathaus ne considère-t-il pas les milliards d’euros alloués aux compagnies aériennes sous l’égide de la réglementation de l’Union Européenne pour des «raisons de restructuration» comme un soutien aux compagnies nationales afin de servir les intérêts économiques et sociaux du pays?
Dans une région fortement encombrée, M. Schulte-Strathaus ne considère-t-il pas le contrôle de la majorité des créneaux d’atterrissage comme un soutien inégal des compagnies aériennes nationales face aux nouveaux entrants? A savoir ceux venant d’aéroports où les compagnies européennes peuvent opérer librement sans qu’il y ait une réciprocité en matière de qualité de créneaux d’atterrissage.
3. M. Schulte-Strathaus compare les carnets de commande d’avions long-courriers de large capacité des compagnies du Golfe avec ceux des compagnies américaines, alors qu’elles n’ont pas le même positionnement sur le marché. La comparaison en elle-même est tout à fait erronée! La colonne vertébrale de l’industrie du transport aérien américain est les liaisons intérieures. La part de la capacité déployée à l’international par rapport au ratio de la capacité totale déployée par les compagnies américaines est minimale. Bien sûr, la géographie et l’éloignement des populations justifient une telle structure.
En partance de petits pays, les compagnies du Golfe opèrent régionalement dans une zone qui correspond à trois fois la taille des Etats-Unis et à l’international avec un réseau qui s’étend autour du globe. Nous fonctionnons également en ayant en tête le coût minimum par siège au kilomètre. Nous opérons en laissant le moins d’empreintes de carbone possible. L’âge moyen de notre flotte est de 5 ans seulement. Nous ne laissons pas d’avions en fonctionnement pendant 20 ou 30 ans. De ce fait, vous pourrez constater que dans le but de maintenir le coût minimum par siège au kilomètre et de répondre au mieux aux attentes de nos clients, notre carnet de commandes est plus important que n’importe quel autre car nous conservons une flotte jeune.
Rien n’est nouveau dans cette stratégie qui a déjà été appliquée avec succès par les compagnies d’Asie Pacifique. En effet, celles-ci ont une flotte qui a pratiquement le même âge et un coût de production comparable.
Cependant, certaines compagnies asiatiques sont encore détenues par les gouvernements et font totalement parties des intérêts nationaux de leur pays. Néanmoins, nous constatons que M. Schulte-Strathaus ne les signale pas comme menaces pour le futur de l’industrie de l’aviation.
4. M. Schulte-Strathaus poursuit son raisonnement en affirmant que deux des compagnies du Golfe n’ont jamais fait de profit. Avant tout, je souhaiterais lui demander comment il peut le savoir alors qu’Etihad et Qatar Airways ne publient pas encore leur bilan financier? Mais si, selon la réglementation, comme il l’insinue, le profit était la seule raison pour laquelle les compagnies aériennes achètent des avions, le résultat net de l’achat de nouveaux avions aurait été négatif depuis la dernière décennie pour l’ensemble de l’industrie.
5. Le point crucial de ce sujet est que M. Schulte-Strathaus profère des mensonges dans sa remarque ci-contre: «Ces compagnies (du Golfe) sont efficaces, elles ont un coût de production extrêmement bas pourtant elles offrent systématiquement un service d’excellente qualité. Elles ont une vision claire et un important pouvoir de décision. Elles reçoivent également tout le soutien de leurs institutions politiques locales». Je ne pourrais pas mieux le dire! Est-ce une erreur d’être efficace et d’avoir un faible coût de production? Est-ce mal pour les gouvernements de soutenir leurs intérêts nationaux? M. Schulte-Strathaus préconise-t-il que les compagnies qui ont un coût de production élevé et qui n’offrent pas une qualité de service du même niveau devraient être protégées des compagnies reconnues pour leur efficacité, leur faible coût de production et l’excellence de leur service?
6. M. Schulte-Strathaus affirme que nous menons «une politique qui n’est pas compatible avec celle des Etats-Unis, de l’Europe, de la Chine, du Canada…». Je ne saisis pas cet argument. La majorité de ces gouvernements sont signataires de l’Agenda pour la Liberté négocié par l’IATA, qui affirme le droit à un libre accès au marché. En effet, même le directeur général de l’IATA, M. Giovanni Bisignani, a récemment rappelé à l’ordre le gouvernement canadien pour qu’il respecte les principes de liberté d’accès au marché afin d’éviter tout protectionnisme. M. Schulte-Strathaus conseille-t-il que cette politique de libéralisation doit seulement s’appliquer quand ses compagnies aériennes membres en sont les bénéficiaires et non pas l’inverse?
7. M. Schulte-Strathaus demande que les gouvernements empêchent à court terme que des accès supplémentaires au marché soient autorisés. Peut-être que M. Schulte-Strathaus devrait demander aussi aux gouvernements d’anticiper les politiques de libéralisation et de dérégulation et pourquoi ne pas devancer l’économie de marché et recourir au protectionnisme, à l’inefficacité, au prix fixés par les cartels, et à un comportement anticonsumériste? Où le protectionnisme s’arrêterait-il si ces appels étaient pris au sérieux par les gouvernements? N’est-ce pas le droit de chaque consommateur de pouvoir accéder aux meilleurs prix et au meilleur rapport qualité/prix d’un service?
8. Finalement, nous n’avons aucun problème à ce que l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO) mette en place un système multilatéral permettant de réguler le libre échange tel que le fait l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). J’irai même plus loin: pourquoi n’appliquons nous pas les principes de l’OMC à l’aviation afin d’assurer que les droits des consommateurs et que la libre concurrence puisse s’appliquer partout ?
Si l’Europe n’investit pas assez dans les infrastructures aériennes, si l’Europe a développé un coût de base qui devient un fardeau pour certaines de ses Institutions et si l’Europe ne réduit pas les coûts liés à ses charges sociales afin que ses compagnies redeviennent compétitives, le consommateur européen devrait-il alors être pénalisé en étant privé d’un service de transport aérien efficace ? Et où s’arrête ce protectionnisme ? La prochaine cible sera-t-elle les transporteurs européens low-cost car ils parviennent à fournir des services compétitifs aux membres de l’AAE? Il me semble que la réponse est évidente.
«Les compagnies aériennes européennes étaient pionnières dans de nombreux domaines. Les compagnies du Golfe, quant à elles, ont beaucoup appris d’elles. Elles devraient, à présent, accepter le jeu de la concurrence et l’idée que le consommateur soit le décisionnaire final».
(Communiqué de Qatar Airways)