é le 16 février 2011 à Jakarta (Photo : Bay Ismoyo) |
[19/02/2011 09:45:49] ALMATY (AFP) Face à la flambée des cours alimentaires mondiaux, les régimes autoritaires d’Asie centrale interviennent sur le marché pour brider la hausse des prix afin d’éviter l’émergence de troubles sociaux semblables à ceux qui ont touché la Tunisie et l’Egypte.
“L’Asie Centrale est une région où les prix de l’alimentation ont augmenté assez considérablement. Et vu les niveaux de pauvreté, les gens ont un important pourcentage de leur budget, 50% ou plus, qui sera consacré à cela”, s’est alarmé en début de semaine le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.
Le haut responsable a aussi souligné que des pays comme l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan souffrent, en raison de la crise mondiale, de la baisse des fonds envoyés par les centaines de milliers d’émigrés travaillant à l’étranger, notamment en Russie et au Kazakhstan. “Il y a un véritable noeud de tensions qui pourrait avoir des répercussions sociales et politiques à travers l’Asie Centrale”, a-t-il jugé.
De fait, la région, pour l’essentiel très dépendante des importations de denrées alimentaires, subit le contrecoup de la hausse des prix mondiaux. Ceux-ci ont atteint en janvier un niveau historique selon la FAO, qui juge que cette tendance risque de se prolonger.
Une situation durement vécue par les populations de ces pays.
“C’est désespérant ! Où va-t-on? Prenez le gruau de sarrasin, en deux semaines il est passé de 360 tenge (1,8 euro) à 420 (2,1 euros). Et moi je ne vais que dans les magasins pas chers!”, s’agace Sofia Moukhajanova, une retraité de 63 ans.
Même constat dans l’Ouzbékistan voisin. “Il y a trois ou quatre ans, mon salaire était correct”, raconte un habitant de Tachkent qui gagne 600 dollars par mois. “Mais avec l’accélération de l’inflation, j’ai juste l’impression de jeter l’argent par les fenêtres.”
Au Tadjikistan, la république la plus pauvre de l’ex-URSS, la flambée des prix est encore plus critique. Si un sac de farine de 50 kilos coûtait fin décembre entre 20 et 22 dollars, il se vend désormais entre 27 et 32 dollars, alors que le salaire moyen s’établit à environ 70 dollars et que le pain est à la base de l’alimentation.
Dès lors, le président Emomali Rakhmon, au pouvoir depuis 1992, a appelé cette semaine chaque famille à “faire des réserves des principaux produits alimentaires pour deux ans”. Pour tenter d’enrayer la spirale, les autorités tadjikes ont organisé le week-end dernier dans la capitale Douchanbé et les principales villes des ventes de produits de première nécessité à des prix subventionnés.
Les autres gouvernements de la région interviennent aussi pour brider l’inflation: en Ouzbékistan, les autorités organisent régulièrement des inspections sur les marchés, plafonnent les prix et augmentent les salaires.
Au Kirghizstan, seul pays de la région membre de l’OMC, le gouvernement peut intervenir sur les prix si ceux-ci bondissent subitement de plus de 10%. L’enjeu est de taille pour cette petite république, qui a été le théâtre d’une révolution et de violences ethniques sanglantes en 2010.
“La stabilisation des prix des principaux produits alimentaires est l’une des tâches principales du gouvernement”, a récemment déclaré le vice-Premier ministre Omourbek Babanov.
Pour l’expert Askar Bechino, la hausse des prix pourrait dès le printemps provoquer des troubles. “Les autorités expliquent la hausse des prix par la tendance sur le marché mondial. Mais au Kirghizstan, la hausse est cinq fois plus rapide que dans le reste du monde”, dit-il.
“Les ferments du mécontentement social sont déjà là”, ajoute-t-il, prévenant que l’opposition pouvait exploiter la colère populaire pour renverser le pouvoir.