Je m’étais presque habituée à cette photo géante en affichage urbain, dans les
rues, à chaque rond point, dans chaque administration, et même dans les
magasins. Ca rentrait dans le champ du yaghourt, des pâtes, et de toute sorte de
marchandises que je voyais sur ces fameux géants panneaux d’affichage urbain.
Ils ne sont pas bêtes ces stratèges de la dictature. Une dictature silencieuse
comme pensent certains Occidentaux, mais “soft” parce qu’elle s’insinue en
douceur dans ta tête, pour tisser ce lien affectif et même de confiance, entre
toi et ce que tu vois sur la photo…tel yoghourt, telle marque de pâte. C’est ce
qui déclenchera l’achat une fois dans le linéaire, et le produit en question en
face de toi.
C’est ce que nous dit la théorie marketing. Et les gens du marketing savent ce
qu’ils font. Leur théorie ne détrompe pas. Un capital confiance et un capital
image se forment dans ta tête, à ton insu, à force d’avoir visualisé jour après
jour cette photo du yoghourt, ou de telle marque de pâte.
Mais pour la photo de ce géant souriant et nous faisant un signe de la main, ça
frôlait le ridicule quand même. Je me reposais la même question quand je me
retrouvais devant ce portrait: Est-ce qu’ils sont sérieux? Est-ce qu’ils pensent
vraiment qu’avec ça…on va finir par l’aimer? Ou qu’ils vont finir par nous
duper?
Oui ils étaient sérieux et on ne peut plus sérieux. Ils appliquaient le principe
simple de la théorie marketing. Théorie dont ne doutent définitivement pas ces
annonceurs qui dépensent des fortunes, pour nous imprégner d’une image, qui sera
logée au fin fond de notre inconscient, pour déclencher l’achat, au moment
opportun.
Ceci dit, toute théorie a pour objectif de comprendre et de modéliser la
réalité. Une théorie est bonne jusqu’à ce qu’à ce qu’elle cesse de rendre compte
de la réalité.
Je note que les photos du géant souriant ont été déchirées et brûlées. Les
stratèges de la dictature se sont donc trompés. La théorie marketing fonctionne
pour un produit qui joue franc jeux, c’est-à-dire où le bénéfice consommateur
est égal à la promesse faite lors de la pub (ou de la communication). La même
théorie ne marche pas pour un produit qui ne joue pas franc jeu, autrement dit
où le bénéfice consommateur n’est pas là. Dans ce cas, la confiance est perdue.
Et quand la confiance n’est plus là, il n’y plus acte d’achat.
Quelle idée machiavélique de vouloir nous formater les esprits, pour qu’on
considère cet homme comme un père, bienveillant et affectueux? Un président de
la Répubique n’est pas, et n’a pas à être un père. Le peuple est majeur et
vacciné, et n’a pas besoin de tutelle. On nous a sorti de l’essence même du
système républicain. Cet homme parlait en son nom: «j’ai fait pour vous…», «j’ai
donné mes ordres pour que…» «…pour votre bien et votre bien-être…», etc. Un
président de la République ne dépense pas de l’argent de sa propore poche, pour
le bien du peuple. Ca s’appelle un roi. Et encore…. Un président est un
représentant du peuple, ses décisions doivent servir au mieux le peuple qui l’a
élu. Quand il l’a élu.
Mais que voulez-vous, le paternalisme n’est pas si étranger à notre culture. La
majorité de nos entreprises fonctionnent sous ce mode (de leadership). Certains
sociologues et historiens nous disent qu’il y a prédisposition dans notre
culture à cette manière de gérer et avoir des relations les uns avec les autres,
et notamment avec le chef. Principalement parce que nous sommes une société où
le noyau dur reste la famille, et le père la source de l’autorité légitime.
Je veux bien.
Mais il me semble que le paternalisme est dangereux. Les droits du salarié -dans
l’entreprise-, comme ceux du citoyen –dans la nation en général- peuvent être
facilement bafoués. Chacun devrait faire le rôle et le travail qui lui est
assigné. Et y en a marre de ces photos de «personnes» au milieu de celles des
yoghourts et des pâtes, ou dans les ronds points. Prière, mettez-nous des fleurs
au lieu de ça. Ca nous ira beaucoup mieux!