étrolier russe Rosneft (Photo : Stringer) |
[22/02/2011 07:51:00] GENEVE (AFP) Les grandes compagnies russes font une arrivée en force dans les matières premières à Genève, qui s’impose désormais comme la première place mondiale pour le négoce du pétrole devant Londres, générant quelque 10% des revenus du canton, déjà célèbre pour la gestion de fortune.
Après TNK-BP, c’est le géant étatique russe Rosneft qui vient d’enregistrer une filiale de négoce aux bords du Leman, venant rejoindre son rival Lukoil y opérant depuis dix ans via sa filiale Litasco, mais aussi les plus grands noms du secteur tels que Glencore, Mercuria, Gunvor…
Le choix pour la cité de Calvin s’est clairement fait au détriment de Londres, qui a longtemps officié comme première place pour le négoce des matières premières dans le monde, reconnaissent les spécialistes du secteur.
De fait, selon l’Association genevoise du négoce et de l’Affrètement (GTSA), Genève tient désormais la corde dans le secteur du pétrole et gaz dont elle traite un tiers des volumes produits dans le monde.
Elle est également en tête pour le négoce de riz, des oléagineux, céréales avec la présence des grands noms du secteur, Bunge, Cargill ou encore Louis Dreyfus.
“Très probablement, l’arrivée des Russes fait partie de l’effet boule de neige dont a bénéficié Genève. Les Russes, comme les autres, viennent là où il y a le marché”, explique le directeur de Litasco, Serguey Chaplygin.
Pierre François Unger, chef du Département de l’économie du canton, rappelle que “l’attrait de la ville a commencé il y a une dizaine d’années” et a été motivé par “la grande stabilité politique suisse, une prévisibilité fiscale peu commune mais aussi un vivier important de compétence”.
Pour les experts, l’attractivité fiscale y est pour beaucoup : les sociétés de négoce y sont considérées comme des sociétés auxiliaires faisant leurs affaires en dehors de Suisse et étant taxées à hauteur de 12%.
Le canton offre par ailleurs “une régulation plus souple et moins transparente pour des salaires et des bonus très conséquents”, relève un courtier.
M. Unger admet qu’il “y a eu une accélération (des arrivées) depuis que Gordon Brown a modifié les assiettes fiscales des personnes” au Royaume-Uni.
Ainsi, face à sa rivale, Genève fait figure de havre de paix, discret autant qu’avantageux fiscalement mais aussi moins stressante, à une heure des stations de ski et dix minutes de l’aéroport international.
La ville abrite de plus les banques spécialisées tel que BNP-Paribas qui selon le magazine suisse Bilan financerait 1 milliard de dollar d’échanges de matières premières par jour. Mais aussi les indispensables affréteurs et sociétés de certification.
Résultat, les compagnies affluent. Outre les Russes, le géant Trafigura a commencé à y transférer ses équipes londoniennes, et selon des rumeurs persistantes, le premier négociant au monde Vitol y penserait sérieusement.
Mais l’euphorie pourrait ne pas durer, car les affaires florissantes du secteur générant quelque 620 milliards d’euros par an, commencent à faire pâlir les voisins de la Suisse.
L’Union européenne rêve de “siffler la fin de partie du laisser-faire et de ramener la Suisse vers plus de régulation”, explique un trader selon lequel la pression devrait augmenter avec “les problèmes budgétaires” de la zone.
“Si les prix des matières premières notamment agricoles continuent d’augmenter, la fin de partie se rapprochera encore plus vite”, insiste-t-il.
Toutefois Genève ne devrait pas lâcher facilement une manne qui représente, selon le magazine Bilan, quelque 10% du PIB du canton.
Reste que la ville est au bord de l’asphyxie, souffrant d’un manque cruel de logements qui pourrait entamer son attractivité alors que les Chinois s’apprêtent, selon les analystes, à emboîter le pas aux Russes.