Les investigations qui seront menées par la justice tunisienne pourront, sans doute, apporter des réponses à deux questions centrales: d’où provient le «trésor» de Ben Ali caché dans sa résidence à Sidi Bou Saïd? Et à quoi devait-il servir? En attendant, rien n’interdit d’émettre des hypothèses.
La surprise et l’indignation passées, pour ne pas dire plus, les Tunisiens se perdent en conjectures concernant les centaines de billets de banques (un peu plus de 41 millions de dinars, selon la Banque centrale) et les bijoux découverts au domicile du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali, dans son palais de Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis. Et qui accaparent, depuis samedi 19 février 2011, une bonne partie des débats en Tunisie.
Les hypothèses émises concernent notamment deux aspects: d’où provient tout ce «trésor»? Et à quoi devait-il servir?
Les réponses seront, sans doute, apportées par les investigations qui seront menées par la justice tunisienne. En attendant, il n’est pas interdit d’émettre des hypothèses.
Pour répondre à la première question, on pourrait admettre qu’il s’agit d’un argent sale. Si cela n’était pas le cas, affirme plus d’un, pourquoi ne pas avoir amassé ces sommes aussi sous forme de chèques, de bons de trésors, d’actions, d’obligations,…
Ce trésor pourrait avoir des origines multiples: commissions, racket, drogue, prostitution, … Tout le monde est, en droit, de croire, en effet, que le président Ben Ali était un parrain, un chef de bande par qui tous les trafics passaient. Et qui, apparemment, ne s’interdisait rien.
Les membres de sa famille et certains de ses proches devaient alimenter ce qui ressemble à des «caisses noires». Idem pour les bijoux découverts dans les tiroirs des armoires cachées derrière les bibliothèques et autres miroirs du palais de Sidi Bou Saïd.
Ils pourraient avoir été acquis contre monnaies sonnantes et trébuchantes – fruit de ce trafic- et avoir été payés rubis sur l’ongle par ce qu’on a appelé l’«ex-première dame de Tunisie» -mérite-t-elle ce titre?- dans les souks de Dubaï où elle aimait à se rendre. Comme ils pourraient être le fruit de vols, en Tunisie ou à l’étranger, réalisés auprès de riches familles ou de joailliers. Voire dans des trésors publics.
«Récompenser» et arracher le silence
Toujours pour répondre à la première question, «pourquoi avoir amassé des sommes aussi grandes?», certains penseraient que le président et son épouse aimaient à les «regarder» de temps à autre pour se convaincre qu’ils ont amassé une fortune. A l’appui de cette thèse, ces mêmes personnes avancent un argument de taille: le fait qu’ils aient amassé une richesse incommensurable qui dépassait largement leurs besoins (un grand nombre de demeures, de terrains, de domines agricoles, d’entreprises, de participations à des entreprises,…) montre que nous sommes en présence de personnes avides de tout.
Quant à la destination des sommes d’argent découvertes et des bijoux, tout porte à croire qu’elles pourraient servir à «récompenser» certains «prestataires de services» et à arracher le silence de certains autres. Le fait que les sommes découvertes soient des billets de banques pourraient l’accréditer: le proverbe qui dit «l’argent n’a pas d’odeur» sied bien aux billets de banque. Inutile de préciser que ceux qui perçoivent des billets de banque peuvent mieux passer à travers les mailles de tous les filets.
Les grandes sommes d’argent découvertes accréditent également la thèse que nous sommes en présence d’opérations de grandes ampleurs assurées dans une certaine continuité. S’agit-il d’opérations programmées? S’agit-il de vastes opérations: campagne électorale pour 2014, préparation d’une grande mobilisation dans ce même cadre, financement de troubles…? Tout est possible.
La présence de billets ( introduites dans des enveloppes) en monnaie étrangère (dollars, euros, livres sterling, francs suisses, mais aussi en livres turques…) montre l’étendue des «prestataires» de services à l’étranger, qui peuvent être des membres des réseaux de Ben Ali dans le monde arabe, en Europe et bien au-delà (hommes politiques, lobbyistes, députés, …) ou encore des hommes de mains et autres trafiquants de tout bord.
L’avenir nous le dira.