Conseil supérieur de l’audiovisuel ou Conseil de la presse, la nouvelle «instance de l’information» annoncée par le gouvernement de transition, le 10 février 2011, ne devra pas échapper à l’une de ces deux formes adoptées dans la plupart des pays démocratiques. A moins que l’on se dirige vers la mise en place d’une structure made in Tunisia. Mais cette charpente ne résoudra pas tous les problèmes.
Le flou entoure toujours la forme que devra épouser l’«instance de l’information qui doit remplacer le Conseil supérieur de la communication», selon les précisions apportées dans une dépêche de l’Agence Tunis Afrique Presse, le lendemain de l’annonce de sa création par le Conseil des ministres, réuni le 10 février 2011. On se souvient que le communiqué publié à la suite du Conseil avait évoqué «une commission chargée de veiller au respect de la déontologie journalistique, comprenant des compétences nationales et des représentants des différentes composantes de la société civile».
S’agira-t-t-il, comme semble le dire le Premier ministre du gouvernement de transition, Mohamed Ghannouchi, dans son interview à des représentants de la presse tunisienne, le 18 février 2011, de «la mise sur pied d’une instance de régulation de l’audiovisuel»?
Tout porte à croire, à ce propos, que les contours de cette «instance» ne sont pas tracés. Du moins avec précision. Et que la forme de cette instance va beaucoup dépendre des discussions qui devront être engagées avec les parties concernées pour donner lieu à un habillage particulier.
A ce titre et même si une solution à la tunisienne pourrait sortir des cartons de tous ceux qui se pencheront sur la question, le choix devra se porter sur l’une des structures déjà adoptées par les sociétés démocratiques qui nous ont précédé. Et qui ont pu, pendant des années, murir une grande réflexion et cumuler des expériences.
En clair, la Tunisie ne pourra pas s’égarer des deux modèles qui ont été jusqu’ici expérimentés. Il s’agit du Conseil supérieur de l’audiovisuel et du Conseil de la presse. Chacun de ces modèles a évidement ses spécificités, son champ d’action et son mode de fonctionnement.
Le premier modèle, “le Conseil supérieur de l’audiovisuel“ est une structure présente dans les pays francophones. Outre la France , elle existe en Belgique (dans sa partie wallonne, francophone). Elle a été adoptée par le Maroc où elle a pour nom la Haute autorité de la communication audiovisuelle.
Régulation ou «tribunal d’honneur»
Structure de régulation, elle limite son champ d’action au domaine de l’audiovisuel. Indépendante du pouvoir politique, elle est investie de nombre de missions dont celle de veiller au respect du pluralisme et la libre expression des idées, de veiller au respect des lois et réglementation en vigueur dont les cahiers des charges ou des missions conclues par les chaînes de radio et de télévision avec elle et de donner un avis sur les nominations des premiers responsables des chaînes publiques. Le CSA a, pour ce faire, la possibilité de se faire respecter en prenant des sanctions à l’encontre des chaînes comme il accorde les fréquences. Les sanctions, faut-il le rappeler, vont de l’avertissement à la suspension provisoire ou définitive d’émettre.
La structure principale et décisionnelle du CSA est constituée de membres désignés par, et pour l’essentiel, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (les deux chambres du Parlement).
La seconde forme de structure est désignée souvent par le nom de «Conseil de presse». On le retrouve au Canada (Québec), en Grande-Bretagne, en Suisse, en Inde, mais aussi en Belgique où il porte le nom de «Conseil de déontologie journalistique». La Belgique «cumule» un CSA avec un Conseil de presse.
Le Conseil de presse obéit à une démarche simple. Il se veut, c’est du reste ainsi qu’il se présente, «un tribunal d’honneur». Il ne limite pas son champ de compétence à un domaine particulier de la presse, qu’il s’agisse de la presse écrite, de l’audiovisuel ou encore de la presse électronique. Evidement structure indépendante, il est géré par une instance qui regroupe les représentants des journalistes, les représentants des entreprises de presse et du public, les consommateurs des différents médias.
Saisi par quiconque «estime être victime ou témoin d’une atteinte à la liberté de la presse ou au droit à l’information», il statue sur les cas qui lui sont soumis et émet un avis. Mais il n’impose aucune sanction et ne possède, de ce fait, aucun pouvoir réglementaire ou législatif. Sa seule sanction est «morale».
Reste qu’une fois adoptée, cette charpente ne résoudra pas tous les problèmes. Tôt ou tard, deux questions devront être sérieusement posées sur la table des discussions.
D’abord, la restructuration du marché de la communication. Notamment la mise en place de structures assurant sa promotion. Comme la création d’un OJD (Office de justification de diffusion) pour donner les chiffres exacts –du moins «audités»- de la distribution de la presse écrite: tirage et ventes. Ou encore la mise en place d’un institut de mesure de mesure d’audience reconnu par tous les professionnels (professionnels des médias, professionnels de la publicité et annonceurs) avec, sans doute, une législation propre à la pratique de la mesure d’audience et des sondages d’opinions, notamment en temps de campagnes électorales.
Il faudra, ensuite, clarifier le rôle de l’Etat en tant qu’acteur du champ des médias. Tout le monde sait que l’Etat n’est pas dans les sociétés démocratiques –loin s’en faut- un acteur passif. Il possède des médias notamment audiovisuels, il est un grand annonceur, il légifère, il accorde des aides (directes et indirectes), et des subventions…
On comprend que les Tunisiens voudront limiter au maximum une intervention de l’Etat sur un terrain ultra sensible, celui des libertés publiques, mais il faudra établir, et dès le départ, des règles strictes et transparentes.