L’indigène équatorienne qui a fait chuter le géant pétrolier Chevron

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à Rumipamba, le 20 février 2011 (Photo : Rodrigo Buendia)

[23/02/2011 07:26:06] RUMIPAMBA (AFP) Maria Aguinda, indigène modeste et menue de 61 ans vivant dans une maison en bois au coeur de l’Amazonie, est à l’origine de la plus lourde condamnation de l’histoire pour pollution, prononcée le 14 février contre le pétrolier américain Chevron en Equateur.

La justice du pays sud-américain a condamné Chevron à payer 9,5 milliards de dollars (7 milliards d’euros) pour les dégâts provoqués de 1964 à 1990 en Amazonie équatorienne par la compagnie Texaco, qu’elle a rachetée en 2001.

“La procédure est sur la bonne voie, mais ils doivent payer pour les animaux perdus et aussi pour la pollution du fleuve et de la jungle”, estime Maria Aguinda, indigène quichua, qui ne parle pas espagnol et dont les propos sont traduits par son gendre Guillermo Grefa.

Le coordinateur de l’association des victimes, Luis Yanza, a d’ailleurs déclaré qu’il ferait appel du verdict, car il juge le montant de l’amende “insuffisant”, notamment au regard d’une expertise judiciaire évaluant les dommages à 27 milliards de dollars.

Chevron envisage aussi de faire appel, car il dénonce la “falsification d’expertises scientifiques” et “des pressions sur les magistrats”.

La compagnie rejette en outre la responsabilité de la réparation des dommages entraînés sur Petroecuador, l’entreprise d’Etat équatorienne à laquelle elle était alliée et aussi décriée par certaines organisations locales.

Il y a bientôt cinquante ans, les habitants du hameau isolé de Rumipamba, dans la province d’Orellana (nord-est), étaient pourtant loin d’être hostiles à l’arrivée de Texaco, se souvient Maria Aguinda.

“Quand la compagnie est venue, nous n’imaginions pas qu’elle allait causer des dégâts, c’était une nouveauté. Ensuite, elle a commencé à poser un puits et à brûler les piscines (lieux de stockage du brut, ndlr). La vie a changé : c’en était fini de la chasse, la pêche et la nourriture”, raconte-t-elle.

En 1993, elle a donc porté plainte avec des voisins et des habitants d’un village proche, Sucumbios. Symbole de son rôle pionnier dans cette affaire, la plainte a été enregistrée au nom de “Maria Aguinda et autres”.

Les plaignants accusent Texaco d’avoir déversé des produits toxiques et du brut –des dizaines de millions de litres selon l’ONG Amazon Watch– lors de ses opérations, polluant sols et cours d’eau, mais aussi d’avoir provoqué des cancers mortels.

Maria Aguinda assure ainsi que son mari et deux de ses dix fils sont morts à cause de la pollution.

Sa maison en bois se trouve à une centaine de mètres d’un ruisseau, rempli de pétrole.

La zone a été inondée à la suite du débordement d’une des centaines de “piscines”, où Texaco stockait son brut, lors de ses opérations sur le puits Auca Sur 1 (1981-1990), à 200 m de Rumipamba et repris dans les années 90 par Petroecuador.

La compagnie américaine assure avoir nettoyé la zone à la fin des années 90 et accuse Petroecuador de ne pas avoir tenu ses engagements en la matière.

Texaco s’est contentée de jeter “des bouts de bois et de la terre pour tout recouvrir”, dénonce cependant Guillermo Grefa.

Pour preuve, selon lui, douze travailleurs de Petroecuador, qui ont entamé un nouveau nettoyage depuis six mois, continuent à extraire du pétrole datant de l’époque Texaco.

“Avec le nettoyage de ce qu’a laissé Texaco, respirer est devenu insupportable”, dénonce Maria Aguinda.

Une forte odeur de carburant est perceptible à Rumipamba et certains membres des neuf familles vivant dans le hameau se plaignent de maux de tête.