Alors que le principal syndicat tunisien demande la fin de cette pratique, les grandes sociétés du secteur plaident pour un cadre législatif clair et une structuration du métier. Pour le bénéfice des entreprises et des salariés.
Des entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre supplémentaire selon les saisons, des sociétés qui doivent recruter rapidement pour répondre à une commande inattendue: l’intérim est une variable d’ajustement nécessaire à la bonne marche des entreprises. Or, sur le sol tunisien, aucune législation spécifique n’encadre cette pratique. D’où des abus, connus de nombreux salariés, commis par des entreprises de travail temporaire qui profitent du flou juridique: non versement des salaires et des charges sociales, renouvellement des contrats au-delà des quatre ans autorisés… Cette situation a amené récemment le syndicat UGTT à remettre en cause la pratique de l’intérim et à demander unilatéralement l’intégration en CDI de tous les intérimaires actuellement sous contrat.
Mettre en place un cadre clair et concerté
D’après les sociétés d’intérim professionnelles et structurées, la bonne marche du secteur, et par conséquent le respect des droits des salariés, impose surtout la mise en place d’un cadre législatif clair et concerté. Pour faire avancer leur cause, les entreprises d’intérim tentent depuis plusieurs années de se fédérer en chambre syndicale: «Nous devons nous structurer pour montrer que notre métier n’est pas celui de sous-traitants, pour le gardiennage pour mettre en place un cadre de bonnes pratiques partagées», explique Jerick Develle, directeur général d’Adecco Maghreb. Depuis plusieurs années, Adecco s’est associée avec des confrères, pour mener des actions visant à organiser le métier. Pour le moment, les démarches successives n’ont pu déboucher, faute de volonté politique et en raison de nombreux blocages administratifs.
Des entreprises étrangères pourraient quitter le pays
Le front de refus quant à la légalisation du travail d’intérim omet toutefois une composante importante de l’économie tunisienne. Son ouverture sur les marchés extérieurs et le nombre croissant des multinationales qui s’y sont implantées et qui, en ce qui les concerne, ont de longues traditions dans la pratique de la flexibilité et de l’intérim. Aujourd’hui, avec les nouvelles donnes de l’économie nationale, nous ne pouvons plus négliger les exigences des investisseurs étrangers sans oublier la demande de groupes locaux.
Sur un tout autre niveau, les crises par lesquelles est passé le pays, d’ordre social, politique et économique, nous appellent à être plus réactifs en ce qui concerne la remise rapide des demandeurs d’emploi dans le circuit du salariat. L’intérim peut y jouer un rôle important: il touche actuellement pas moins de 250.000 personnes en Tunisie dans des secteurs aussi divers et importants que l’hôtellerie, l’industrie automobile ou les services bancaires.
Parmi les sociétés intervenant sur ces métiers, de nombreuses entreprises étrangères ont depuis longtemps intégré la variable d’ajustement qu’est l’intérim dans leur politique de ressources humaines: «Une remise en cause de cette capacité à fluidifier la demande de main-d’œuvre et l’obligation à avoir 100% de CDI pourraient, à terme, les faire fuir», estime une professionnelle de l’intérim. Une menace d’autant plus inquiétante que la majorité d’entre elles utilise l’intérim pour former et sélectionner des salariés qu’elles intégreront ensuite en leur sein avec un contrat pérenne. Au final, c’est l’ensemble de la chaîne –intérimaires et entreprises– qui aurait tout à perdre de la disparition d’une pratique utile à la bonne marche de l’économie.