Tunisie : La culture, malade de sa Révolution

Depuis le 14 janvier dernier, presque tous les secteurs de la vie économique ont
retrouvé et repris petit à petit leur dynamique d’avant, mais pas la culture qui
semble avoir du mal à se relever. Sauf si l’on considère que culture est
synonyme de jeux et loisirs, cette torpeur n’a aucune justification valable. Et
même, d’ailleurs, si elle est synonyme de divertissement, cela ne se justifie
toujours pas puisque la Révolution tunisienne se doit d’être vite suivie d’un
sursaut festif. Le pays ne s’est pas débarrassé de son joug totalitaire pour
sombrer dans la morosité.

Le secteur privé n’étant pas très impliqué dans la culture du pays, c’est,
évidemment, le ministère qui est, et a toujours été, le moteur. Sauf
qu’aujourd’hui, le moteur semble un peu grippé dans ses rouages. Par exemple, la
Foire du Livre n’aura pas lieu cette année, elle ne sera en tout cas pas à son
rendez-vous habituel (fin avril – début mai). C’est M. Azdine Beschaouch,
ministre de la Culture du gouvernement de transition, qui l’a déclaré au journal
La Presse. L’annulation, ou même le report, de cette manifestation sera très
ressenti (e) à tous les niveaux, car beaucoup plus que les festivals d’été, la
Foire du Livre est la culture par excellence. Et c’est dommage!

Les raisons du report, disons, de la date de ce grand rendez-vous peuvent être
détectée entre les lignes de l’interview accordée par le ministre au journal
cité plus haut. La première est due à la situation générale de ce département
dont a hérité M. Beschaouch, une situation apparemment très délicate, comme la
situation du personnel ouvrier aux salaires par trop bas. Ici, force est de
faire remarquer que l’assainissement de telles situations ne saurait se
répercuter sur la tenue des grandes manifestations culturelles du pays. A la
limite, c’est une cuisine interne qui ne concerne ni de près ni de loin le
public.

Mais c’est la deuxième raison qui nous semble être déterminante dans le report
de la Foire du Livre. C’est le départ en congé de M. Boubaker Ben Fradj,
directeur de cabinet et directeur, durant certaines années, de ladite Foire. Et
là, ça ne fait pas vraiment sérieux. L’une des grosses erreurs de
l’Administration d’avant le 14 janvier, c’est qu’elle a toujours fonctionné
selon ‘‘l’homme qu’il faut à la place qu’il faut’’; la véritable révolution à
devoir opérer désormais serait de dénicher ‘‘les hommes qu’il faut à la place
qu’il faut’’. Toutes les affaires (culturelles, économiques ou autres) du pays
ne doivent en aucun cas être le propre et…l’affaire d’un seul homme. D’ailleurs,
dans ce même esprit, il n’est pas normal que M. Beschaouch soit appelé à tout
assainir, tout seul, dans son département. Il importe aujourd’hui de se départir
de cet esprit d’accaparement du pouvoir de décision; nul n’est censé, ni ne
peut, avoir toutes les clés de toutes les situations. Et à quoi cela rimerait
alors d’avoir des directeurs et des sous-directeurs dont le rôle se limiterait à
exécuter des ordres. Le rôle du premier et haut responsable est d’obvier à tout
dérapage et à la moindre velléité de malversation, à veiller à l’application
stricte de telle ou telle instruction qui aura eu, auparavant, l’aval unanime de
tous les décideurs, non pas un et un seul. Ça ne fait pas sérieux que le départ
en congé d’un haut fonctionnaire d’Etat soit suivi de l’annulation pure et
simple d’une manifestation quelconque.

Sinon, qu’est-ce qui explique la non tenue de la Foire cette année?