Depuis le 20 février 2010 et l’intensification de la répression et/ou combat, l’exode de ressortissants étrangers souhaitant quitter la Libye ne fait que s’amplifier. La frontière orientale égyptienne a déjà vu passer plusieurs dizaines de milliers de ses nationaux qui, après une expatriation pour motif économique, rejoignent leur mère-patrie: à défaut d’emploi, l’Egypte leur offre maintenant sécurité et abri dans leur famille. La frontière méridionale nigérienne par trop lointaine, vue l’étendue de cette terre libyenne, est concernée par seulement (!) quelques milliers de passages, principalement des Nigériens, mais également d’autres nationalités africaines.
L’occidentale Tunisie reçoit donc la grande majorité de ces migrants qui s’agglutinent maintenant à son poste-frontière de Ras Jedir. Au rythme de 10-15.000 nouveaux réfugiés par jour depuis lundi, selon une porte-parole du Haut Commissariat des Réfugiés (ONU), «la situation arrive à un point critique».
Pour un médecin que nous avons pu contacter sur place, «la pagaille devient la norme». Des avions apportant de l’aide extérieure commencent à atterrir à Djerba, mais la zone frontalière manque de ressources humaines permanentes afin de gérer la situation dans la continuité. La mobilisation des pays concernés par les réfugiés (en majorité des Egyptiens, mais également des Vietnamiens, des Népalais, des Bengalis) prend trop de temps et ne permet pas de désengorger suffisamment rapidement ce petit poste-frontière dépassé par les évènements. A raison de quelques avions raccompagnant quelques centaines d’Egyptiens chez eux, la situation n’est pas près de s’améliorer.
Ce médecin engagé nous raconte également le dévouement de la société civile qui pallie les manques institutionnels avec un élan de solidarité remarquable qui fournit aux réfugiés nourriture et couverture. Des sociétés distributrices d’eaux minérales font également parvenir aux migrants des camions emplis de bouteilles.
Au niveau international, donc, mises à part les agences humanitaires des Nations-Unies, HCR et autres OIM, et le Croissant Rouge tunisien (injoignable) supporté par sa fédération internationale, l’assistance tarde… La France, après les éclats de langage de son ambassadeur et de son ex-ministre des Affaires Etrangères, reste coite, seuls l’Italie a vraiment annoncé et mis en place son aide, et les pays du Golfe, mais silencieusement.
Côté américain, l’ambassadeur Gordon Gray, qui a répondu à quelques unes de nos questions à l’occasion d’une réception à sa résidence, nous apprend que ce lundi, les USA ont accordé une aide de 2 millions de dollars à l’OIM afin notamment de l’appuyer dans sa gestion de la crise des réfugiés aux frontières libyennes. De plus, d’ici la fin de la semaine, une équipe du «bureau en charge des désastres» de l’USAID, sera sur place pour évaluer la situation et identifier les besoins. Pas un mot bien sûr d’une éventuelle intervention, manu militari cette fois, diplomatie oblige. En tous cas, sincèrement préoccupé par la situation humanitaire au sud, mais aussi fort concerné par la situation politique à Tunis, l’ambassadeur s’est montré enthousiaste quant à l’évolution future de notre pays, qui commercialement demeure encore attractif: une ‘trade mission’ américaine est d’ailleurs prévue.