Espionnage : la direction de Renault sur la sellette face aux doutes

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énéral de Renault, Patrick Pelata, le 30 avril 2010 à Paris (Photo : Lionel Bonaventure)

[04/03/2011 13:50:54] PARIS (AFP) La direction de Renault se retrouve sur la sellette pour sa gestion de l’affaire qui secoue le groupe après avoir reconnu qu’elle s’était peut-être trompée en lançant des accusations d’espionnage contre trois de ses cadres dirigeants.

“Le directeur général délégué de Renault (Patrick Pélata) a eu ce matin la dignité d’indiquer qu’il s’était peut-être trompé, et que s’il était avéré qu’il s’était trompé (…) il en tirerait toutes les conséquences”, a déclaré la ministre de l’Economie Christine Lagarde.

Pour la première fois depuis le début de l’affaire, qui a éclaté début janvier, le constructeur a reconnu vendredi, par la voix de son numéro deux, qu’un “certain nombre d’éléments” l’amenaient à “douter” désormais d’une affaire d’espionnage.

L’affaire, qui touchait au projet phare de véhicule électrique de Renault – un enjeu colossal pour le groupe qui y a investi 4 milliards d’euros avec son allié japonais Nissan – a abouti au licenciement de trois cadres soupçonnés d’espionnage et à une plainte judiciaire de Renault.

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ève, le 2 mars 2011 (Photo : Fabrice Coffrini)

Mais dans un entretien au Figaro, Patrick Pélata a reconnu que “deux hypothèses” étaient désormais envisageables: soit Renault est bien confronté à une affaire d’espionnage, soit le groupe est “victime d’une manipulation (…) qui pourrait prendre la forme d’une escroquerie”.

Or, selon une source proche de l’enquête, les investigations de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, contre-espionnage) n’ont permis de mettre au jour “aucune trace d’espionnage” par des salariés de Renault.

Si toutefois elle se vérifiait, l’hypothèse d’une manipulation poserait un problème de management au sein du groupe, a estimé le ministre de l’Industrie Eric Besson. “Si c’est l’hypothèse de la manipulation qui domine à la fin, qui est avérée, à ce moment-là vous avez raison”, a-t-il déclaré en réponse à une question sur le sujet de la gouvernance de Renault.

“J’ai noté d’ailleurs que M. Pélata, très dignement et très logiquement, a déjà averti qu’il en tirerait les conclusions pour lui-même”, a-t-il poursuivi en assurant avoir pour préoccupation de ne pas “contribuer à la déstabilisation de Renault”.

M. Pélata a en effet assuré que le constructeur tirerait “toutes les conséquences jusqu’au niveau le plus haut de l’entreprise, c’est-à-dire jusqu’à moi”, une fois l’enquête terminée.

“Carlos Ghosn, président de Renault et Nissan, décidera et s’exprimera lorsque l’enquête sera définitivement close”, a-t-il déclaré, en assurant que le constructeur serait “très attentif à réparer toute injustice” et proposerait la réintégration des trois cadres incriminés.

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és par Renault, le 24 janvier 2011 à Paris (Photo : Patrick Kovarik)

Renault tente ainsi de sortir par le haut d’une affaire embarrassante déclenchée à l’issue d’une enquête interne dont l’opacité a été dénoncée par les cadres incriminés et qui, selon le député UMP Bernard Carayon, a abouti à un “massacre de la présomption d’innocence”.

“Si Renault a traîné dans la boue ses trois cadres sans les preuves qui ont été d’ailleurs invoquées par le président de Renault lui-même, Carlos Ghosn, c’est extrêmement grave. D’autant plus grave que c’est l’entreprise elle-même qui avait pris l’initiative de communiquer sur cette affaire”, a-t-il fustigé.

Spécialiste de l’intelligence économique, il a en particulier regretté que la direction du groupe n’ait pas saisi la DCRI dès que les premiers soupçons à l’encontre des trois cadres ont fait surface.

Or, M. Pélata avait affirmé que l’enquête interne de Renault avait révélé “un système organisé de collecte d’informations économiques, technologiques et stratégiques pour servir des intérêts situés à l’étranger” au détriment du constructeur.

Une piste chinoise avait même été évoquée par la presse, à la fureur de Pékin, que Renault et le gouvernement français, qui est actionnaire à 15% du constructeur automobile, s’étaient catégoriquement refusés à confirmer.