Tout en estimant qu’il n’est pas question de revenir sur les acquis de la Révolution qui a libéré le peuple, la foule qui s’est rassemblée, dans l’après midi du samedi 5 mars 2011, devant la Coupole d’El Menzah, souhaite un retour au calme… et au travail.
Fahd a à peine 16 ans et de l’énergie à en revendre. Il arbore fièrement un macaron sur lequel est inscrit «Je m’engage», un drapeau tunisien et une banderole avec le slogan «Majoritaires et vaccinés». Tout un programme pour ce jeune venu de Sfax en cet après midi du samedi 5 mars 2011 pour assister aux côtés de son père et de sa mère au “Rassemblement de la Coupole à El Menzah“.
«J’en ai marre des échauffourées du lycée entre élèves et des discussions oiseuses sur les professeurs. Moi, je vais au lycée pour apprendre et non pas pour faire de la politique. Je suis heureux que Ben Ali soit parti. Que la Révolution ait éclaté. Mais, il y a une limite à tout».
Debout devant un chapiteau blanc dressé pour l’occasion, il écoute religieusement le rappeur Le Général qui vocifère dans un micro une chanson pour laquelle il a été arrêté quelques jours avant l’éclatement de la révolution du 14 janvier 2011. «Lui, c’est un brave», commente-t-il, tout en réclamant un sandwich à sa mère.
Tout près des marchands ambulants ont pris possession du trottoir. Ils vendent des sandwichs, des «Mlaouis», mais aussi des bonbons, des écharpes aux couleurs du drapeau national, des ballons… L’un d’entre eux discute avec un policier qui lui demande de s’éloigner un peu du passage. La présence policière est réelle, mais bien discrète.
Un peu plus loin, un soldat qui monte la garde est interpelé par une petite fille qui lui demande s’il a besoin de quelque chose. «Merci. Je n’ai besoin de rien», lui répond le jeune caporal. «Laisse-le tranquille», lui dit son père. Et le jeune caporal de lui répondre: «Elle ne fait aucun mal. Il faut au contraire la féliciter».
Toujours plus loin, trois jeunes filles exécutent une danse acrobatique. Une foule compacte se met en place pour les admirer. Parmi eux, Sami, un universitaire, qui essaye de ne pas se séparer de sa fille qui a toujours souhaité faire de la danse classique. «Je ne suis pas quand même venu pour admirer des danseuses», note-t-il. Un drapeau libyen à la main, il écoute sur son téléphone portable les news sur une radio privée tunisienne. «Je suis originaire de Zarzis et tout ce qui se passe en Libye m’intéresse de très près», soutient-il sans se départir de son sourire. Et en saluant chaleureusement les chanteurs tunisiens venus se mêle à la foule. Comme Lotfi Bouchnak et El Haddad.
«Nous sommes venus pour dire que nous ne voulons pas que le pays s’arrête», commente, Naïma, son épouse. «Nous ne voulons pas non plus que la Révolution s’arrête. Ben Ali a fui croyant que nous n’avons pas les moyens de nous reconstruire. Il faut lui démontrer bien le contraire», ajout-telle. Avant de préciser que la Tunisie se relèvera et donnera au monde la preuve qu’elle mérite bien Hannibal, Massinissa, Ibn Khaldoun, Aziza Othmana et Abou El Kacem Achabi».
Professeur d’arabe dans un lycée de la banlieue sud de Tunis, elle estime qu’il est bien temps de siffler la fin de la récréation. Sans rien céder concernant les acquis de la Révolution à laquelle «ses élèves ont participé», elle estime qu’il faut maintenant revenir au travail.
Dernière parole prononcée par cette dame de 50 ans qui a beaucoup souffert étant née orpheline de père: «J’aurais refusé de venir si je ne savais pas que le rassemblement allait se dérouler en dehors de ses heures de cours et dans un espace qui pourrait geler une quelconque activité. Car la liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres!». Elle ne partira pas sans avoir dit cela à tous ceux qu’elle rencontre cet après midi. A commencer par son mari dont l’attention est accaparée par le bateau qui a accosté à Zarzis pour transporter chez eux «nos frères égyptiens qui ont fui la Libye de Kaddafi».
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