Tunisie : Médiaculpa

Par : Autres

mass_media-1.jpgAccusés d’organiser une chasse aux sorcières, d’encourager le lynchage public et d’orchestrer  un acharnement systématique sur le gouvernement provisoire, les médias tunisiens et leurs acteurs sont au banc des accusés d’une manière quasi quotidienne depuis le 14 janvier.

Longtemps au solde de l’Etat et des hauts responsables, les médias tunisiens, notamment audiovisuels tentent tant bien que mal, depuis l’avènement de la révolution, de présenter un produit respectable et qui répond aux attentes de leurs publics, mais le mécontentement persiste et les critiques les plus acerbes ne cessent de se multiplier. Ceux qui fustigent les prestations des médias se sont érigés en experts en journalisme et en communication, détenteurs de toutes les vérités, sauf que, ces «messieurs je sais tout» n’ont pas daigné nous éclairer plus et nous livrer leurs recettes magiques pour un rendement meilleur de nos médias.

Il fallait messieurs, avant de tirer sur tout ce qui bouge, commencer par établir un état des lieux, sans lequel aucune réforme n’est possible. Avant de soigner un mal, faut-il tout d’abord le diagnostiquer, pour pouvoir, par la suite, lui prescrire le remède adéquat, et avant de dénigrer à bout de champ, faut-il d’abord contextualiser l’activité médiatique dans notre pays: comment est-elle organisée, par qui est-elle gérée, comment est-elle financée, ses acteurs sont-ils suffisamment formés…?

A vrai dire, le diagnostic est systématiquement fait et refait, mais le bilan demeure inchangé, c’est que le débat sur les médias tunisiens ne date pas d’hier et le secteur souffre depuis belle lurette des mêmes maux qui le gangrènent et entravent sa bonne marche.

Faute de pouvoir les citer tous dans ce papier et afin d’être le plus constructif possible, je vais essayer d’énumérer les plus graves et ceux qui portent le plus de tort à cette activité aussi importante que dangereuse.

– Je citerais en premier lieu l’absence d’une instance de régulation, qui veille à l’application du code de la presse qui régit l’activité des supports écrits, notamment les dispositions relatives à l’emploi des journalistes professionnels, la publication obligatoire du tirage de la veille, le financement, l’interdiction du plagiat (qui devient une monnaie courante, aussi bien au niveau de la forme que du contenu et surtout le vol caractérisé des illustrations et des photos bien qu’elles soient des propriétés intellectuelles au sens de la loi).

– La porte, grande ouverte, aux intrus, qui peuvent exercer l’activité journalistique et communicationnelle et gérer même des supports médiatiques, sans aucune formation au préalable; et sur ce point précis, je me suis toujours demandé pourquoi et de quel droit un avocat, un médecin, un artisan, un juge,…peut-t-il devenir journaliste (et j’en connais qui se disent journalistes et qui gèrent même des supports journalistiques, alors qu’ils sont incapables de faire la différence entre un éditorial et un billet!) alors que, pour devenir avocat, médecin ou juge, il faut avoir un diplôme et avoir suivi une formation dans la spécialité.

– L’exercice de l’activité médiatique par certains au détriment, non seulement, de leur activité principale, pour laquelle ils sont rémunérés, mais aussi des diplômés de l’Institut de presse et des sciences de l’information qui, même embauchés, après des années de galère, sont systématiquement stigmatisés et mal traités par certains «patrons» de presse malintentionnés.

– L’absence totale d’une gestion saine, transparente et équitable de la manne publicitaire, provenant du secteur public et distribuée selon le degré d’allégeance, dobéissance voire de soumission.

– La mainmise des responsables politiques sur le secteur et la censure systématique de toute parole qui se veut libre et affranchie.

Pour conclure, bien que le bilan soit loin d’être complet -le débat ne fait que commencer-, une chose est toutefois sûre: pour un meilleur rendement de nos supports médiatiques, une refonte totale du paysage médiatique, son organisation, son mode de fonctionnement, ses ressources de financement s’imposent et en toute urgence et seuls les professionnels du milieu peuvent l’assurer, les intrus ont assez fait du mal au secteur. Il est temps qu’ils dégagent.