C’est certainement un secteur fortement corrélé à la stabilité. Sa reprise serait le signal fort du redémarrage du pays et de sa sécurisation. Peut-on spéculer, pour autant, sur sa reprise en la considérant comme acquise, en se basant sur l’espoir du retour de confiance?
Pour se représenter le poids du secteur, voici quelques chiffres clés, pour mémoire. Le Tourisme représente 8% du PIB environ et emploie près de 400.000 personnes -emplois indirects compris. Il génère des recettes en devises de près de 4 milliards de dinars, légèrement moins que le textile mais avec une plus grande valeur ajoutée. Son handicap est qu’il est resté monoproduit ou presque, et ce malgré toutes les tentatives de diversification. Sa vulnérabilité est qu’il est très exposé aux questions de sécurité.
Inutile, ici, de revenir sur les raisons de la baisse du flux de touristes allemands que nous n’arrivons pas à remonter à son niveau d’avant. En temps de Révolution, on découvre, à notre grand regret, que le tourisme est atteint de plein fouet, malgré un énorme capital de sympathie pour la Révolution, de la dignité de la part des TO de nos marchés émetteurs. C’est contrariant mais c’est ainsi. Que faire, dès lors?
Le «booking» de la saison estivale se décide en ce moment. Comment réagir ?
Notre saison touristique reste essentiellement dépendante du «balnéaire», notre produit dominant. Or, il se trouve que les réservations pour la saison estivale se jouent en ce moment. Les TO de France, d’Italie, d’Allemagne, de Turquie et de bien des marchés traditionnels de notre pays se sont tenus à nos côtés. Beaucoup d’entre eux ont fait le déplacement. Ils ont répondu présent à l’appel. Mais la loi du métier est ce qu’elle est. Ils ont besoin de gages. Ils veulent voir que la sécurité est de retour. Ils ont besoin de voir le pays stabilisé. Les salons «Résa» se tiennent en ce moment. Tout n’est pas encore joué. Mais on ne saurait aller au-delà de la fin du mois de mars. Tout le travail de booking est en train de se faire. Que peuvent l’amitié et la sympathie des TO face aux exigences de leur business? La partie se joue ici et maintenant. Quelles ont nos chances?
Le transport aérien, talon d’Achille du tourisme
Comme l’allotement pour les hôteliers, les réservations pour le transport aérien des touristes est une étape fondamentale de la filière touristique. Slim Chaker, SE au Tourisme, appelle l’attention sur cette partie du process. Si les réservations se font avec un léger différé par rapport à l’agenda de la profession, on risque de tout compromettre par manque d’avions. Les capacités nécessaires peuvent ne pas être disponibles. Or, la typologie de nos flux touristiques nous rend tributaires du transport aérien. Qu’on en juge.
Selon les réalisations de 2010, notre pays a reçu 7 millions de touristes. La France, premier client nous adresse environ 1,4 million de touristes, l’Allemagne 459.000, l’Italie 354.000, la Grande-Bretagne 353.000, la Russie 188.000, la Belgique 163.000, la Pologne 151.000, la Scandinavie 132.000, la Suisse 96.000, l’Espagne 84.000, la Tchéquie 77.000 et les Pays-Bas 75.000. Deux millions de touristes nous viennent de Libye et un autre million d’Algérie.
Hormis les touristes maghrébins, les 4 millions de touristes européens arrivent essentiellement par voie aérienne. Selon le SE au Tourisme, les TO sont encore partagés quant à leurs options sur la destination Tunisie. Malgré l’élan de sympathie, ils seront tentés de débrayer en revoyant leurs réservations à la baisse. Slim Chaker considère que pour les marchés européens, il est plus réaliste de tabler sur des prévisions proches de 70% des réalisations de l’année 2010. Quant au marché libyen qui, avec 2 millions de touristes, engendre des effets induits non seulement sur le tourisme mais également sur les secteurs, tels l’artisanat, le commerce et la santé -ce secteur reste un grand point d’interrogation- on comprend alors que nous soyons plus en logique de sauvetage de saison que d’un taux de remplissage d’une année «Business as usual», comme auparavant.
Le rendez-vous de Berlin sera déterminant
Le tourisme est un des secteurs phares de notre économie, nous l’avons dit. C’est vrai qu’en temps d’économie grippée, la reprise du secteur pourrait constituer un test de bonne santé, retrouvée. Suffira-t-il à lui tout seul à rallumer les feux de la croissance?, s’interroge Slim Chaker. Le Premier ministre, dans son premier speech, tablait sur une reprise pleine du secteur. En ce genre de circonstance, il faut comprendre que l’on est souvent plus dans l’incantation que dans la précision statistique. Les assurances de nos partenaires européens quant à notre accession au statut de partenaire privilégié sont apaisantes. Laurent Wauquiez, ministre français des Affaires européennes lors de sa visite en Tunisie, en compagnie de Christine Lagarde, nous promettait une adhésion «plus en début de l’automne que sa fin».
Par ailleurs, les institutions internationales nous ont témoigné de leur soutien. C’est donc le secteur productif davantage que celui des services qui pourrait faire repartir le pays. Pour Slim Chaker, le ministère du Tourisme et du Commerce a réussi à relancer le businesse dès le week-end du 19 février avec notamment les charters remplis de touristes sur Djerba et Sousse-Monastir. Hélas, les évènements du week-end du 26 février ont été contrariants. Toutes les images qui y ont été associées, lesquelles ont été retransmises à travers les télés internationales ont, à nouveau, brouillé l’image de la destination, pour un touriste en quête de sécurité et de quiétude.
Toujours est-il que le travail de relance a repris de plus belle selon le SE. Slim Chaker place beaucoup d’espoir sur la participation de la Tunisie au Salon international du tourisme de Berlin, la semaine prochaine. C’est à ce rendez-vous très couru par la profession que l’on prendra le pouls du secteur, soutient-il. Cependant et se voulant rassurant, il pense qu’en parallèle avec le tourisme, la relance des exportations et des IDE devrait également faire partie des priorités du gouvernement en vue de remettre en route, le plus rapidement possible, l’économie tunisienne.