«La Commission n’a pas été dissoute, elle assurera sa mission jusqu’au bout, sauf si c’est l’Etat qui la révoque». Pour Abdelfattah Amor, président de la Commission d’investissement sur la corruption et les malversations, cette commission a été saisie, dans une conjoncture exceptionnelle, d’une mission exceptionnelle qui engage sa responsabilité face aux générations futures et fera d’elle, pendant un laps de temps de l’histoire de la Tunisie, un témoin et un acteur des atteintes dont a été victime notre pays. Tel un soldat sur le front, il compte bien y rester, et intimidations, tentatives de déstabilisation, procès ou même menaces proférées à l’encontre de la Commission et de ses membres n’y changeront rien.
La Commission aura, pendant un bon bout de temps, «trop de chats à fouetter», car comme nous n’avons pas manqué de le mentionner ultérieurement, l’ancienne présidence de la République, les familles, les alliés et autres proches n’ont épargné aucun secteur économique. Pire encore, ils ont contaminé par le virus de la corruption structurellement la machine de l’Etat. «De l’omda jusqu’à la présidence en passant par les hauts cadres et fonctionnaires de l’Etat». «La corruption, les abus des biens publics et privés, les transactions financières douteuses, les opérations douanières illégales en sont presque devenus un réflexe normal».
Dans l’intervalle, 11 dossiers comprenant des noms et des faits en relations avec certaines personnes impliquées ont d’ores et déjà été soumis au procureur de la République. Depuis le démarrage des travaux des trois commissions créées suite à la révolution, 5.196 requêtes leur ont été soumises dont 84% est revenu à la Commission sur les malversations économiques, soit 4.239 dossiers. «Il est important à ce propos de rassurer les dépositaires des dossiers quant à leur caractère confidentiel; je voudrais également leur donner les assurances nécessaires sur la protection des données et des documents qu’ils nous ont transmis dans le cadre de leurs requêtes», a indiqué M. Amor.
Parmi les dossiers soumis à l’appréciation de la Commission, 519 ont été étudiés et leurs protagonistes interrogés, à commencer par les conseillers de l’ancien président jusqu’aux ministres et hauts responsables ainsi que nombres d’opérateurs privés et fonctionnaires.
Le travail de la Commission ne fait cependant que commencer. Le chèque en blanc que lui a accordé le président de la République lui donne la couverture légale et lui autorise toutes les libertés au niveau des investigations pour la recherche de la vérité et le rétablissement des faits. Et chaque jour apporte son lot de preuves attestant de l’implication de l’ancien président dans les affaires frauduleuses. Ainsi et dans la continuité des recherches effectuées au Palais de Sidi Bousaïd, «construit sur les domaines de l’Etat et bâti par notre armée, ce qui n’en fait pas une résidence privée, mais plutôt un patrimoine de l’Etat et du peuple», les membres de la Commission n’étaient pas au bout de leurs surprises. La grotte d’Ali Baba leur en a préparé plus d’une. En effet, deux comptes en devises approvisionnés par les fonds récoltés lors de la campagne électorale de Zine El Abidine Ben Ali ont été découverts, sans oublier un autre compte à numéro pour un dépôt à terme de plus de 27 millions de $ soit 40 MDT dans un pays étrangers gelés grâce aux mesures prises par l’Etat tunisien informé par la Commission. D’autres comptes à l’étranger aux noms des époux Ben Ali et de leurs enfants ainsi que des découvertes quotidiennes de sommes d’argent en monnaie nationale et devises dans différents supports et coins du Palais, «Hok Rassik Talka Flous» (vous vous grattez la tête et vous trouvez de l’argent), a commenté, sur le ton de la plaisanterie, Abdelfattah Amor.
Toutefois et au-delà des différentes trouvailles en argent ou en bijoux dans le Palais de Sidi Bou Saïd, ce sont les dossiers qui complètent d’autres ailleurs et dans lesquels il y a des mentions et des directives écrites des mains mêmes de l’ancien président visant l’approbation ou la désapprobations de certains projets ou affaires qui nous paraissent être les plus importants. Car c’est ainsi que les recoupements pourraient être faits et que ceux qui ont été coupables de complicité dans des projets menaçant la sécurité économique et commerciale du pays pourraient enfin être jugés et condamnés.