«Bien
des révolutions seront, sans doute, encore nécessaires pour prouver que les
changements d’institutions politiques ont une influence très faible sur la vie
des nations. C’est la mentalité des peuples, et non les institutions, qui
détermine leur histoire», disait Gustave le Bon.
Et dans l’esprit des simples mortels que nous sommes, opérer sur le mental,
c’est faire en sorte que nous changions notre manière de voir et d’appréhender
les choses et que nous pensions et réfléchissions certaines questions et points
différemment.
Dans le métier de journaliste, cela veut dire être objectif et crédible dans le
traitement de l’information, être responsable et conscient de l’impact des
informations véhiculées par les différents supports médias sur les auditeurs,
téléspectateurs ou lecteurs. La vigilance est d’autant plus de rigueur que le
pays est aujourd’hui fragilisé par une révolution toute récente et menacé par
différents maux sécuritaires et sociaux mais aussi d’ordre économique.
Entre autres héritages, légués par l’ancien régime, celui de confondre les
personnes avec les institutions et les dirigeants, ou les fondateurs avec leurs
projets ou entreprises. Ceci, à tel point qu’en voulant nous débarrasser du
maître d’œuvre condamnable à nos yeux, nous faisons fi des intérêts de
l’entreprise. Entité économique qui peut non seulement vivre sans son fondateur,
mais fait vivre des dizaines, des centaines voir des milliers de personnes.
Devons-nous alors les sacrifier aux délits commis par d’autres?
Aujourd’hui, nous ne crions pas «Le Roi est mort, vive le Roi», nous fêtons la
mort du Roi et appelons à «l’assassinat de son successeur».
Lorsque le successeur est l’Etat -et c’est le cas de le dire dans la Tunisie
d’après la révolution-, cela représente carrément une menace pour le tissu
entrepreneurial et l’économie du pays.
Un cas édifiant: Banque Zitouna
La
Banque Zitouna n’a pas échappé à la règle. Celle dont les 86% des actions
étaient détenus par Sakher Materi, devenue aujourd’hui un patrimoine de l’Etat
et mise sous la responsabilité de la Banque centrale, a été depuis le début de
la Révolution la cible de nombre d’attaques dont les instigateurs, loin de voir
en elle un acquis pour le pays, y voient la preuve de la corruption de son
promoteur. Pourtant, qui pourrait nier l’utilité économique et la valeur de
cette banque qui passe, et selon les témoignages de nombre d’experts, pour un
projet porteur.
Tout d’abord, de par les opportunités qu’elle offre par le fait qu’elle met sur
le marché des produits qui diversifient l’offre bancaire et financière et
répondent à des besoins exprimés par certaines catégories sociales, émanant de
leurs profondes convictions religieuses. Ceux-ci solliciteraient des produits
financiers en phase avec leurs croyances.
Sur un tout autre plan, la Banque Zitouna est dotée de l’un des meilleurs
systèmes d’information, non seulement en Tunisie mais de par le monde, le global
banking qui traite les opérations financières en temps réels et répond aussi
rapidement à toute requête de la clientèle.
La Banque Zitouna possède un taux d’encadrement de l’ordre de 45%, emploie plus
de 337 personnes dont 115 recrutées en SIVP. Les managers de la banque ont été
sélectionnés parmi les meilleures compétences en Tunisie et parmi les expatriés
qui ont fait leur preuve dans des pays familiarisés avec cette finance. Elle est
dotée de 24 agences et compte ouvrir 4 autres d’ici la fin de l’année.
Au niveau des ratios, elle dépasserait de loin les ratios réglementaires exigés.
Des indicateurs plutôt positifs et dénotant de la solidité financière de la
banque.
Après la panique, la reprise
Même si à la veille de la Révolution et suite au départ précipité du promoteur
de la banque, on a assisté à un mouvement de panique chez les particuliers, le
volume de retrait n’a pas dépassé les 5%. Quelques retraits par des gros comptes
ont été également enregistrés sans porter atteinte à la bonne santé de la banque
qui reprend du poil de la bête. «Avec une moyenne de 80 comptes particuliers
ouverts par jour (3,3 comptes par agence), nous pouvons nous estimer heureux
d’autant plus que nous sommes nouveaux sur la place avec un réseau de 24
agences, ce n’est pas donné», précise un haut cadre de la Banque. Depuis son
ouverture, 24.000 comptes ont été déjà ouverts à Banque Zitouna au bénéfice de
22 mille clients.
Pour ce qui est des prêts accordés par la banque aux particuliers, près de 300 prêts voitures auraient été approuvés, 170 prêts immobiliers sont dans le pipe, depuis la révolution
Pour les décideurs de la banque, les particuliers représentent la cible
principale de leur politique commerciale. «Notre objectif est de développer le
marché des particuliers. Nous voulons y procéder sûrement et lentement. Il
existe différentes niches et notre banque pourrait œuvrer à élever le taux de
bancarisation de certaines catégories socioprofessionnelles de la population
tunisienne».
Aujourd’hui, la Banque Zitouna suit son bonhomme de chemin sans entraves
majeures. Les premiers mouvements de panique entraînés par les doutes soulevés
sur son maintien suite au 14 janvier ont vite fait de disparaître laissant libre
champ aux lois du marché, seul juge de l’utilité d’un produit financier ou de
son inefficacité.
Rappelons pour ceux qui ne le savent pas que la
finance islamique a fait sont
entrée en Tunisie avec la Best Bank, aujourd’hui appelée Al Baraka, banque off
shore et qui n’a pas touché les particuliers.
Zitouna Banque constitue donc un moyen sûr pour l’enrichissement des outils et
des produits bancaires en Tunisie. La législation reste toutefois assez
restrictive pour ce qui est des pratiques bancaires
hallal, tels les crédits
personnels sans intérêts non autorisés par la réglementation bancaire dans notre
pays. Ceci dit, précisons que grâce à des produits tels la
Moudharaba, la
Mousharaka ou les
Sukuks, on peut aider au financement de l’économie et à la
relance de l’entrepreneuriat. L’Etat tunisien pourrait même lancer un Sukuk pour
financer les grands projets d’infrastrutures, ce qui lui éviterait les taux
d’intérêt. D’autre part, les investisseurs étrangers, et principalement ceux du
Golfe, préfèrent recourir aux outils de la finance islamique pour le
développement de leurs projets.
Sur la place financière de Londres, on s’est depuis longtemps rendu compte de
l’utilité de la finance islamique et de sa rentabilité. Ailleurs, de grandes
banques telles la Citibank, HSBC -qui a montré de l’intérêt pour la Tunisie-, ou
la Deutsche ont développé des structures dédiées à cette finance réputée sûre,
morale et participative.
C’est ce qui fait que la France, qui faisait de la résistance, s’est mise depuis
2009 à s’armer d’un arsenal juridique lui permettant de profiter du trillion de
dollars canalisés par le biais de la Finance islamique chaque année dans le
monde.
Alors pourquoi l’existence d’une telle banque en Tunisie soulève-t-elle autant
d’inimité?