A trois niveaux des questions devront tôt ou tard être soulevées: la forme
des bulletins de vote, le financement de la campagne électorale et le temps
d’antenne consacré aux candidats en présence.
Les Tunisiens seront fixés fin mars sur le «système électoral spécial» qui sera
préparé par la “Haute commission pour la réalisation des objectifs de la
révolution, la réforme politique et la transition démocratique”. L’annonce a été
faite, on s’en souvient, par Fouad Mbazaâ, président de la République par
intérim, début mars, dans son adresse à la nation, dans laquelle il a annoncé
notamment l’élection d’une Constituante le 24 juillet 2011.
Mais outre le mode de scrutin (scrutin majoritaire, proportionnel ou encore
mixte) qui focalise l’intérêt de toutes les composantes de la scène politique du
pays, trois questions devront être débattues tôt ou tard: la forme des bulletins
de vote, le financement de la campagne électorale et le temps d’antenne consacré
aux candidats en présence.
La forme que devront prendre les bulletins de vote est essentielle dans la
mesure ou le choix qui en découlera peut favoriser ou non des situations
inattendues voire graves pour la bonne tenue de l’élection. Ainsi, dans certains
pays en développement, l’expérience a montré que le choix d’un bulletin pour
chaque candidat ou liste peut engendrer un achat massif de voix.
En effet, dans une récente élection sur le continent africain, des votants qui
se sont fait payés pour voter pour tel ou tel autre candidat remettaient les
bulletins des candidats pour lesquels ils n’avaient pas voté comme preuve qu’ils
avaient déposé dans l’urne celle du candidat pour lequel ils ont été payés. Des
contrôleurs ont découvert plus tard le pot aux roses se rendant compte qu’une
véritable machine a été mise en place. Et qu’elle s’appuyait sur une
organisation des plus huilées.
Que faire? Dans certaines élections le choix s’est porté sur un bulletin
collectif –comportant donc tous les candidats: certains bulletins étaient de la
dimension d’une page A3 (29,7 cm- 42 cm) dans laquelle figuraient jusqu’à 20
candidats; ce qui n’a pas manqué de poser des problèmes de lisibilité pour les
votants. Ces derniers devaient cocher dans une case unique leur choix pour tel
ou tel candidat. Sinon le bulletin était considéré bel et ben nul.
Un débat qui introduit la question du financement de la campagne pour la
Constituante. Autorisera-t-on, à ce propos, le financement par des capitaux
privés de la campagne électorale? Devra-t-on, dans le même ordre d’idées, fixer
un seuil à ce type de financement? Sera-t-il assorti de règles concernant la
transparence des fonds engagés. Il est certain que la loi ne pourra pas tout
prévoir. On a vu par le passé, et de par le monde, et pas seulement dans les
pays émergents, que des dépassements étaient possibles.
Dans un pays arabe et dans un autre africain, tous deux cités pourtant souvent
en exemple, les joutes électorales donnent lieu à des rassemblements où des
festins sont organisés. Inutile de préciser que ces festins, où il y a, pour
ainsi dire, de quoi boire et manger, favorisent des marchandages rarement
rassurants pour la démocratie. En clair, ils donnent lieu à un achat de voix. A
préciser également que dans ces pays le «tribalisme» joue un rôle central.
Des agendas inavoués
L’argent va dans l’escarcelle de sectes, de confréries ou de chefs de
confessions qui lancent des mots d’ordre pour voter pour celui-ci ou celui-là.
Des mots d’ordre souvent suivis à la lettre. Certes, la Tunisie ne rassemble pas
automatiquement à ces deux pays. Mais que n’a-t-on pas vu par le passé à
l’occasion, par exemple, des élections des membres du Comité central de l’ex-RCD
(Rassemblement Constitutionnel Démocratique), le parti dissous de Ben Ali,
élections au cours desquelles des candidats ont fait quelquefois jouer «le
régionalisme» voire le «tribalisme» (Arouchiaâ). Qui nous assure que si l’on ne
prend pas garde, les mêmes pratiques ne réapparaîtront pas?
Autres questions à ce chapitre: les candidats qui participeront à l’élection de
la Constituante recevront-ils une subvention bien avant l’engagement de la
campagne ou seulement après que l’élection aura lieu et pour ceux qui auront
obtenu un certain pourcentage de voix? Ou reviendra-t-il à l’Etat, et sur son
budget, de payer rubis sur l’ongle toutes les dépenses engagées: confection de
banderoles, d’affiches, de tee-shirts et autres chapeaux et porte-clés combien
nécessaires au financement des campagnes électorales. D’autant plus qu’il est
quasi certain que tous les partis ne disposent pas des mêmes moyens.
Dernier point: le temps d’antenne consacré aux candidats qui se présenteront
dans les différentes circonscriptions. Il est d’usage que ce temps soit
réglementé. Tous les candidats devront bénéficier du même temps d’antenne. Le
passage sur les radios et télévisons publiques devra être également réglementé.
Celui-ci sera fait, sans doute, et en toute transparence, selon la règle du
tirage au sort.
Certes, mais que fera-t-on dans le cas où des radios et télévisions useront du
droit d’informer pour inviter tel ou tel autre candidat sur ses plateaux lui
assurant «un excès de notoriété»? Et lui offrant les moyens un peu plus que les
autres, de se faire connaître et de faire connaître son programme. Ce temps
sera-t-il comptabilisé dans le temps réservé aux candidats en période
électorale?
Dans le même ordre d’idées, que faire lorsqu’une chaîne de radio ou de
télévision étrangère accordera un intérêt, disons, particulier pour un programme
électoral au dépend d’un autre? La question mérite d’autant plus d’être posée
que des chaînes satellitaires, régionales et mondiales, qui arrosent la Tunisie,
ont des agendas souvent inavoués.
Sans jouer les Cassandres ou les empêcheurs de tourner en rond, il s’agit là
tout simplement de réfléchir dès à présent au fait que des «problèmes» de
gestion de la campagne de l’élection de la Constituante pourraient bien
survenir. A l’instance qui sera chargée d’assurer la bonne marche de cette
élection de les prendre en compte.