ège de Reporters sans frontières à Paris, en 2008 (Photo : Miguel Medina) |
[14/03/2011 11:44:59] PARIS (AFP) Aux côtés de la Libye ou encore de la Russie, La France a fait une entrée remarquée dans la liste des pays placés “sous surveillance” en matière de liberté d’expression sur internet par Reporters sans frontières, qui fustige notamment des “législations inquiétantes”.
“Il est important pour nous de regarder les pratiques des pays répressifs mais aussi ce que font nos démocraties, et en l’occurrence il y a un certain nombre de choses qui nous ont inquiétés sur la France”, a résumé lundi à l’AFP Lucie Morillon, responsable du bureau Nouveaux Médias à Reporters sans Frontières (RSF).
“Evidemment la France n’est pas la Chine, ni l’Iran, il faut garder la mesure de tout cela. Mais on se posait depuis plusieurs mois cette question de placer la France sous surveillance”, souligne-t-elle.
La France fait partie, depuis ce week-end, des seize pays placés “sous surveillance” par l’association, alors que dix autres (comme la Chine, l’Iran ou Cuba) sont classés “ennemis d’internet”.
Principales cibles dans le viseur de RSF, la loi Hadopi de lutte contre le téléchargement illégal, et la loi de sécurité intérieure Loppsi 2 qui instaure entre autres le filtrage internet.
Selon Lucie Morillon, “au nom de buts tout à fait légitimes” comme la lutte contre la pédo-pornographie, ces deux législations “mettent en place des mécanismes qui peuvent se révéler dangereux pour la liberté d’expression en ligne”.
RSF estime notamment que l’accès à internet est “un droit fondamental” et qu’il est “inacceptable” de l’interrompre comme le prévoit Hadopi en cas de nombreux téléchargements illégaux.
Quant à la Loppsi 2, l’association dénonce “la mise en place d’un filtrage administratif du web sans décision judiciaire: une fois le cadre +psychologique+ franchi, un certain nombre d’autres raisons peuvent être utilisées pour filtrer d’autres sites internet”.
Dans son analyse consacrée à la France, Reporters sans Frontières déplore aussi le fait que 2010 a été “une année difficile pour les journalistes en ligne et leurs sources” et évoque le cambriolage ou le vol d’ordinateurs de disques durs de reporters des sites d’information en ligne Mediapart et Rue89 travaillant sur l’affaire Woerth/Bettencourt.
“Il est difficile d’établir des responsabilités, mais 2010 a été difficile pour les journalistes qui enquêtaient sur des affaires sensibles. Il y a un certain nombre de pressions sur les sources qui crééent un climat assez inquiétant pour le journalisme en ligne en France”, estime Lucie Morillon.
Sur l’affaire Wikileaks également, “une des premières réactions a été de vouloir faire interdire l’hébergement, c’est dommage que l’on ait ce genre de réflexe”, poursuit la responsable de RSF.
“Le fait que la France soit placée sous surveillance n’est pas surprenant, cela fait plusieurs années qu’on voit un dangereux glissement en France où les mesures les plus répressives passent. La majorité et le gouvernement mènent une espèce de croisade contre internet”, estime pour sa part Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.
Selon lui, le gouvernement “utilise de faux prétextes, des prétextes émotionnels, et instrumentalise les peurs pour faire passer des mesures toujours plus répressives”.
“On a l’impression qu’internet vient chatouiller le pouvoir et qu’il est vu comme un contre-pouvoir, ce qui peut être considéré comme dérangeant par certains hommes politiques”, résume Jérémie Zimmermann.