Considéré jusqu’ici comme étant le premier en son genre en Afrique, dixit Mounir Ferchichi, directeur général de l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED), lors de son inauguration en 2009, le Centre de traitement des déchets industriels et spéciaux de Jradou (situé à 20 Km au sud de Zaghouan) avait pour objectif de garantir à la Tunisie une croissance industrielle qui respecte les exigences écologiques. Mais cet objectif, selon certains habitants de Jradou, est loin de se traduire dans la réalité du terrain, car des polluants très dangereux auraient été dissimulés dans les déchets exposés dans la nature et qui commencent maintenant à alourdir la facture de la dégradation de l’environnement de cette région.
Révolution et liberté de parole aidant, la polémique n’a pas tardé au sujet d’éventuelles répercussions de ces déchets sur la nature. Pour commencer, les ouvriers du Centre observent un sit-in depuis le 28 février 2011. Et face à cette polémique, l’ambassade d’Allemagne en Tunisie a été obligée de faire une mise au point sur la situation de ce site et ce dès le jeudi 10 mars 2011, en précisant que le Centre de Jradou «n’est pas conçu pour l’élimination des déchets radioactifs, des déchets explosifs ou des déchets d’activité de soins, car les technologies qui y sont installées ne permettent pas une telle élimination… Le Centre de Jradou ne reçoit pas non plus de déchets importés ni de l’Allemagne, ni d’autres pays». Mais cela ne semble pas avoir convaincu les habitants de Jradou qui continuent de réclamer la fermeture pure et simple de ce Centre.
Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus au Centre de traitement des déchets de Jradou où nous avons trouvé 37 ouvriers travaillant au sein de ce centre (fermé actuellement) et qui poursuivent leur sit-in. Mais contre toute attente, ces sit-ineurs ont refusé de nous parler de leur situation ainsi que de leurs revendications. Devant ce refus, nous avons pu rencontrer au centre-ville de Jradou l’ingénieur-chercheur Houcine Ben Abdelaziz, qui se présente comme étant le porte-parole des ouvriers du Centre de traitement des déchets.
Notre interlocuteur affirme que les sit-ineurs et des habitants de Jradou exigent la fermeture immédiate du centre vu sa proximité du lieu d’habitation de Jradou (à 830 m seulement) et ses effets négatifs sur la santé des habitants de cette localité.
Cependant, M. Ben Abdelaziz n’a pas mentionner l’initiative annoncée, récemment, par le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement consistant à charger un groupe d’experts d’enquêter sur l’impact environnemental du centre sur la région. «Non, il ne s’agit pas d’une omission, soulignera-t-il. Les habitants de Jradou ont déjà déposé plainte à ce sujet depuis quelques jours et notre dossier est notamment basé sur une étude approfondie élaborée par des spécialistes en la matière».
Et l’ingénieur d’expliquer, en disant que certains déchets dangereux ne sont pas solidifiés avant leur enfouissement, ce qui n’est pas conforme aux normes internationales. Il va plus loin en soulignant que le Centre n’est pas doté d’équipements de pointe comme prétendaient les autorités, puisque certains déchets dangereux n’ont pas pu être traités par ces équipements et qui sont, par conséquent, stockés dans une unité exposée désormais dans la nature, ce qui peut constituer un grand danger pour la santé des habitants de Jradou.
Par ailleurs, le chercheur a évoqué la problématique du choix du site qui, dans les conditions normales, devraient répondre à des contraintes géologiques, géomorphologiques et hydrogéologiques garantissant également la protection des eaux. «En tant qu’ingénieur et chercheur, je vous affirme que le choix du site n’a pas été basé sur des études scientifiques approfondies, mais, malheureusement, il s’agissait d’une décision politique. Sinon, comment expliquez-vous la réticence des autorités quant à ces études et surtout celles relatives à l’enfouissement des déchets dangereux ayant un impact direct sur la nappe phréatique de la région?», s’interroge-t-il.
Concernant les déchets admissibles au centre de stockage, M. Ben Abdelaziz dira également que certains déchets qui ne répondent pas aux critères relatifs à leur teneur en eau et surtout en éléments toxiques ont été admis dans ce centre. «Les témoignages des ouvriers appuient nos informations relatives à l’admission, depuis 8 mois, par le centre de certains déchets dangereux qui ne répondent pas aux critères d’admission. Ce qui m’inquiète, c’est le silence des responsables sur ce qu’on peu considérer comme un crime, et ce malgré l’intervention de certains ouvriers et chercheurs de Jradou», explique le chercheur.
Pour finir, M. Abderrazek indique que, en tant que porte-parole des sit-ineurs du Centre de Jradou, aucun employé habitant la localité de Jradou (37 parmi les 54 salariés du centre) n’occupe un poste administratif au sein du centre, ce qui confirme, selon l’ingénieur, les soupçons qui tournent autour des méthodes de gestion de ce centre de traitement des déchets.