L’industrie nucléaire française risque d’être sévèrement ébranlée

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érence de presse le 3 mars 2011 (Photo : Eric Piermont)

[15/03/2011 16:37:40] PARIS (AFP) Les fleurons français de l’industrie nucléaire Areva et EDF dégringolaient en Bourse mardi pour le deuxième jour consécutif, l’accident nucléaire au Japon risquant de retarder, voire de faire avorter, de nombreux projets en Inde, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Le titre Areva dévissait de 9,37% mardi vers 16H30 à la Bourse de Paris, après avoir déjà décroché de 9,61% lundi, tandis qu’EDF reculait de 3,06% après une chute de 5,28% la veille.

Areva réalise 7% de son chiffre d’affaires au Japon, où il vend notamment du combustible nucléaire Mox (mélange d’uranium et de plutonium) utilisé dans la centrale de Fukushima.

La catastrophe nucléaire dans cette centrale risque d’avoir des impacts bien au-delà de l’archipel nippon.

“Les événements de Fukushima remettent en cause les perspectives du nucléaire civil”, estime Louis Boujard, analyste chez Aurel. “Une redistribution sévère des règles du jeu est à prévoir”, prévient-il.

Jusqu’au week-end dernier, l’avenir de l’industrie nucléaire semblait radieux. La flambée des prix du pétrole et la question du réchauffement climatique ouvraient de nombreux marchés à l’atome civil.

Areva négociait la vente de réacteurs nucléaires en Chine (où deux EPR sont déjà en construction) en Inde ou en Afrique du sud. EDF avait de son côté des projets de construction au Royaume-Uni, en Italie et aux Etats-Unis.

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EPR de Flamanville (Photo : Kenzo Tribouillard)

Aujourd’hui, tous ces projets sont potentiellement menacés. “Areva a récemment prévu de remporter 4 à 6 nouveaux contrats pour son réacteur EPR avant la fin 2012, mais cela risque maintenant d’être annulé ou reporté”, estiment ainsi les analystes de la Société Générale.

Areva devait notamment signer dans les prochains mois l’accord définitif pour la vente de deux EPR en Inde. Mais les associations environnementales s’inquiètent de ce projet situé à Jaïtapur, dans l’Etat du Maharashtra, sur une zone sismique. Et le patron du groupe indien NPCIL Shreyans Kumar Jain, qui a commandé les EPR, a déclaré à l’agence Bloomberg que l’accident au Japon pourrait être un “gros frein” au programme nucléaire indien.

Au Royaume-Uni, les projets d’EDF de construire 4 réacteurs EPR pourraient là aussi être “remis en cause”, selon John Honoré de la Société Générale.

La catastrophe nucléaire au Japon devrait en effet provoquer une “augmentation des contraintes de sécurité” ainsi qu'”une opposition plus forte de la population” au nucléaire au Royaume-Uni, prévoit Louis Boujard.

Quant aux Etats-Unis, où EDF veut construire un EPR à Calvert Cliffs dans le Maryland (est), “l’arrêt du développement du nucléaire pourrait être de longue durée”, prévoit M. Boujard.

Enfin en Allemagne, la chancelière Angela Merkel a annoncé un moratoire de trois mois sur l’allongement de la durée de vie des réacteurs. Une décision qui priverait, si elle perdure, Areva et ses concurrents d’un énorme marché de maintenance des centrales.

Cependant, “le pire n’est pas toujours le plus probable”, remarque Ari Agopyan, analyste au CM-CIC, qui doute que l’ensemble des projets de réacteurs soit abandonné.

Les pays émergents ne peuvent en effet se passer de l’énergie nucléaire pour satisfaire leurs forts besoins énergétiques, affirment les analystes.

La Chine, qui construit la moitié des nouveaux réacteurs dans le monde, n’a ainsi pas remis en cause son ambitieux programme nucléaire tandis que la Pologne a assuré qu’elle poursuivrait le sien.

Il paraît en outre “totalement exclu de considérer un scénario ou les États abandonnent tout simplement la ressource nucléaire”, selon M. Agopyan, qui juge que le démantèlement des centrales et leur remplacement “coûteraient trop cher et n?auraient pas de sens économique”.