Les éditeurs de magazines peinent à inventer leur futur numérique sans Apple

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iPad, dans un Apple store de New York, le 11 mars 2011 (Photo : Emmanuel Dunand)

[15/03/2011 18:16:47] BERLIN (AFP) Smartphones et tablettes numériques constituent un débouché prometteur pour les éditeurs de magazines, réunis en congrès à Berlin, mais leur quête de nouveaux formats et de modèles lucratifs se heurte à la présence envahissante du principal fabricant, Apple.

L’ombre de l’inventeur de l’iPhone et de l’iPad plane sur toutes les discussions tant il est pour le moment incontournable et omniprésent, comme fournisseur des principales plates-formes de diffusion de contenus et point de passage quasi-obligé pour leur commercialisation.

Mi-février, Apple a dévoilé un nouveau modèle très attendu d’abonnements en ligne, qui offrira une nouvelle source de revenus aux éditeurs qui ne vendent pour l’instant qu’au numéro, mais sous conditions. La firme américaine prélèvera 30% de commission sur les abonnements contractés par l'”App store” et conservera en sa possession une partie des informations sur les abonnés.

Des exigences qui suscitent la grogne des éditeurs. Elles auraient même mis la puce à l’oreille des autorités anti-trust aux Etats-Unis, selon la presse.

“Si nous sommes tributaires d’un distributeur externe et qu’il ne nous permet pas le contact direct avec nos lecteurs”, les nouveaux canaux de distribution “ne sont plus une opportunité mais une menace”, s’inquiète Kevin Costello, patron du groupe de presse britannique Haymarket, éditeur de magazines spécialisés de jardinage, de santé ou encore d’automobile.

“Nous sommes confrontés à des monopoles dans de plus en plus de marchés”, dénonce Alexander von Reibnitz, de la fédération allemande des éditeurs de magazines, citant Apple mais aussi Google et Facebook. Et de plaider pour que “les éditeurs fassent front commun et coopèrent”.

Quelques-uns ont déjà pris ce chemin. En Scandinavie, trois éditeurs de magazines – le Suédois Bonnier et les Danois Egmont et Aller– ont uni leurs forces dans une “initiative scandinave numérique” qui “examine les possibilités d’une distribution commune ou d’un magasin commun”.

“Nous avons besoin du lien avec nos consommateurs, et à ce stade dans le monde numérique, on ne nous l’offre pas”, explique Jonas von Hedenberg, de Bonnier, dans une allusion à peine voilée à la firme californienne.

Aux Etats-Unis aussi, plusieurs éditeurs parmi lesquels Condé Nast, Time Inc et News Corp travaillent à un “magasin” commun pour leurs produits.

Mais de façon générale, “il se passe peu de choses dans ce domaine”, note Rebecca McPheters, consultante média américaine, appelant les maisons d’édition à “se pencher là-dessus le plus tôt possible”.

La riposte est toutefois difficile à organiser, dans un marché où tout est encore à inventer et où chacun tâtonne pour trouver sa place et son modèle.

“Expérimenter”, c’est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des éditeurs réunis à Berlin. Cela concerne la recherche de ce qui plaira le plus aux consommateurs – la réplique interactive d’une édition papier, ou une toute nouvelle publication? – mais aussi aux modèles et tarifs à appliquer à la publicité.

Alors que leur fascination reste malgré tout forte pour les produits de la firme de Steve Jobs et les possibilités qu’ils leur offrent, Juan Senor, directeur au Royaume-Uni du consultant média Innovation Media Consulting Group met en garde les professionnels du secteur contre “l’idolâtrerie vis-à-vis d’Apple”. Ses dirigeants “veulent devenir le kiosque du monde, ils veulent contrôler les données, la structure de prix”, assène-t-il.

Or sans cela, que reste-t-il aux éditeurs de magazines et de journaux?