Le nombre des Tunisiens travaillant en Libye est estimé, officiellement, à plus de 100 mille, mais les données informelles font état de 200 mille personnes. Les relations économiques entre les deux pays se sont développées ces dernières années. Plusieurs entreprises tunisiennes -une cinquantaine- sont présentes sur le marché libyen. Mais le nombre d’entreprises tunisiennes exportant vers ce pays serait d’environ 1.000, englobant plusieurs secteurs, selon la Chambre tuniso-libyenne.
Le lien avec ce marché est tel que certaines entreprises fabriqueraient des produits exclusivement destinés au marché libyen, au point d’en générer une partie assez importante de leurs chiffres d’affaires. Ajouter à cela les sociétés de services qui opèrent en Libye mais aussi celles qui appuient une grande partie de leurs activités sur la clientèle libyenne, tels que les cliniques privées.
Evidemment, la guerre civile que connaît la Libye actuellement a presque tout arrêté. Pour les entreprises tunisiennes actives dans ce marché, c’est une période difficile qui affecte considérablement leurs activités. La valeur des exportations vers la Libye est de 1.200 millions de dinars par an, soit 100 millions de dinars par mois. A la crise économique, s’ajoute la crise sociale. On estime à près de 32 mille le nombre des Tunisiens qui sont rentrés de la Libye. Certaines entreprises ont été contraintes de payer les salaires, en attendant que l’ambiance se calme.
Un marché stratégique…
Mais si la situation semble assez chaotique, les entreprises tunisiennes tiennent à ce marché, qu’elles qualifient de «stratégique» pour elles. La Chambre tuniso-libyenne, préoccupée par la tournure que prennent les événements dans ce pays voisin, a organisé, ce 15 mars 2011 à l’UTICA, une réunion avec des entreprises tunisiennes qui y opèrent, afin de recueillir leurs témoignages et leurs propositions concernant la situation actuelle.
A l’exemple du groupe Poulina, qui compte neuf sociétés installées sur le sol libyen et présentes dans plusieurs régions du pays. Selon le responsable du groupe en Libye, la situation était assez difficile. Le nombre d’employés s’élève à 1.450 dont 750 expatriés tunisiens. «Nous avons même engagé 150 Libyens pour assurer la sécurité des sites. Nous avons mis en place une représentation à Ben Guerdane pour suivre au jour le jour les évolutions avec les partenaires libyens», assure-t-il.
Outre le problème sécuritaire, il s’agit aussi d’un aspect économique qui handicape les entreprises. Des stocks ont été formés et des crédits ont été engagés. Ce qui pose un problème de paiement et de créances. «L’arrêt nous occasionne un volume important au niveau des créances. Ce qui pose un problème de trésorerie et un retard de recouvrement», affirme un industriel. Des problématiques qui sont communes à toutes les entreprises présentes, qui ont sollicité les banques afin de leur garantir un rééchelonnement des crédits.
Un traitement au cas par cas…
Une représentante de la Banque centrale de Tunisie a assuré que ces difficultés peuvent être gérées par les banques au cas par cas. «Lors des troubles en Tunisie, nous avons entrepris des mesures exceptionnelles. Nous sommes prêts à les étendre pour les entreprises opérant en Libye», a-t-elle promis. D’un autre côté, un représentant de la Banque tuniso-libyenne a tenu à rassurer les présents en indiquant que les banques libyennes ont repris partiellement et commencent à recevoir les lettres de crédit et d’effectuer des virements. Du côté de la douane, même ton rassurant. «Les frontières sont ouvertes et les entreprises peuvent s’adresser à nous pour tout problème», insiste sa représentante. De même pour la CNSS qui a assuré avoir entrepris des mesures exceptionnelles depuis le 15 janvier 2011.
Toutefois, des critiques ont été émises à l’encontre de la COTUNACE, absente à la réunion, et qui, semble-t-il, n’assure pas le marché libyen.
En ce qui concerne le climat politique en Libye, les entreprises tunisiennes ont affirmé que c’est une affaire interne qui ne concerne que les Libyens eux-mêmes. «Il faut se démarquer de la politique. Quel que soit le scénario, l’important c’est de ne pas couper avec la Libye. C’est un marché stratégique même si les exportations tunisiennes ne sont pas assez importantes, et ne représente que 5% des importations libyennes. Mais je crois qu’on peut faire mieux. En plus, les produits tunisiens sont très appréciés par les Libyens. Notre proximité et notre rapprochement historique ne peut que renforcer les relations tuniso-libyennes», conseille un industriel.
Selon Ali Dhaoui, président de la Chambre tuniso-libyenne, il est important actuellement de garder le relationnel avec les partenaires libyennes. Une chose qui assurera les entreprises tunisiennes quant à l’avenir de leurs investissements sur ce marché, en attendant le rétablissement de la sécurité dans le pays et le redémarrage de l’activité économique. D’ailleurs, le représentant de Poulina confirme que l’activité exportatrice a repris pour le groupe, surtout pour les produits alimentaires, très sollicités actuellement.