Quand on sort du métro, place de la République, ou on sort de la Gare de
Barcelone, ou on essaye d’arpenter la Porte de France, la rue Charles De Gaule
ou la rue d’Espagne, on risque le pire. Les vendeurs ambulants sont partout. Le
côté est du Jardin du Passage est complètement envahi. Le métro roule au pas
pour ne pas écraser les passants qui se ruent sur les couloirs des rails du
métro puisqu’ils n’y a pas de trottoir…
L’aubaine pour des petites bourses c’est cette multitude de parfums, des
produits cosmétiques, d’électroménagers et autres cigarettes américaines … Tous
ces produits sont notoirement de contrefaçons grotesques fabriqués, nous disent
certains, dans les prisons ou villages chinois et qui, paraît-il, représentent
les dernières ressources des hangars de la famille
Trabelsi-Ben Ali
qui avait la
main sur tout ce commerce via les corrompus de la douane tunisienne qui n’ont
pas encore été arrêtés.
Les vendeurs sont tous jeunes et généralement conscients que ce qu’ils font est
illégal. Souvent ils ne sont que des journaliers, comme Ramzi qui m’explique
qu’“ils rendent chaque soir la marchandise au Boss. Contre le paiement du
salaire de la journée“. Combien? Qui est le Boss? Ramzi se contente de dire
qu’il se débrouille. La municipalité? Ils ne sont pas venus une seule fois à la
place Barcelone, nous déclare Ramzi qui nous confie que les vendeurs sont gérés
par un “comité interne“ qui attribue les emplacements à chacun…
M. Amor Naïli, qui se baladait devant un magasin de chaussures rue Jamal
Abdenasser, est très triste. «Cette rue fait mal au cœur. C’est une des plus
belles et des plus fréquentées comme vous savez, et regardez maintenant comment
vivent les commerçants .C’est lamentable. Ces jeunes doivent rejoindre l’armée
s’ils veulent travailler…».
Les commerçants sont intarissables sur ce qu’ils vivent. Ils disent sincèrement
avoir peur même de protester. Ils rappellent qu’il y a eu une tentative de
grèves qui n’a pas abouti et ils rappellent qu’une bataille rangée s’est soldée
par l’abondant de la police pour l’instant.
C’est vrai que tous ceux qui osent parler disent comprendre que la priorité de
la sécurité dans le pays est peut-être déterminante. Mais ils font remarquer
aussi que les sbires de la Municipalité de Tunis, inféodés aux gens du
RCD,
faisaient vivre un enfer à tous le monde dans l’hyper centre et que la
corruption était la règle avec les connexions que personne ne connaît et qui ont
fait de la Rue Bou Mendil le “China Town“ de Tunis… avec la protection de je ne
sais laquelle des sœurs de Ben Ali qui a mis la main sur ce juteux commerce…
De toute façon, après avoir vu les délégués manifester à la Kasbah criant et
vociférant qu’ils ne veulent pas être le bouc émissaire de l’ancien régime, eux
qui étaient la voix de leur maître sans compter ceux qui faisaient du zèle,
après avoir vu aussi les employés de
Cactus Prod
manifester eux aussi et crier
au Premier ministre à la Kasbah de leur fournir du travail, eux qui, aux beaux
jours de leur patron “Trabelsisé“ -Si Sami Fehri-, on ne les voyait pas beaucoup
du côté du Syndicat des journalistes… On peut s’attendre à tout dans la Tunisie
post révolutionnaire puisque les repères n’existent plus.
Si c’est le hasard c’est un heureux hasard… Nous avons mis en ligne cet article
hier et voilà que nous apprenons que des forces de police, environ 200, et de
l’armée ont forcé hier en fin d’après midi «doucement mais fermement» les
ambulants de la place Barcelone, place du Passage, de la République à aller
“ambuler“ ailleurs….