Mercredi 16 mars 2011, le ministre du Commerce et Tourisme, Mehdi Houas, a eu un entretien avec le président de la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV), Tahar Saïhi. Comme on peut le deviner, les deux hommes ont parlé de la situation du secteur touristique –que le ministre vient de qualifier de «catastrophique»- en général, et des agences de voyage en particulier.
Concrètement, MM. Houas et Saïhi ont examiné «plusieurs mesures de soutien aux agences de voyages qui passent aujourd’hui par une conjoncture difficile surtout d’ordre social et financier», écrit notamment la TAP.
Contacté, un agent de voyage nous a confirmé ces difficultés auxquelles fait face la profession depuis le début de l’année. La direction de la FTAV avait déjà formulé, le 7 février dernier, un ensemble de doléances qu’elle avait présentées au ministre du Tourisme, lequel avait promis d’en faire des copies et de les expédier aux ministères des Finances, des Affaires sociales et des Affaires religieuses ainsi qu’à la Banque centrale de Tunisie. Ces doléances portent, essentiellement, sur le report de paiement des cotisations patronales de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), l’établissement d’un accord sur des paiements échelonnés, l’octroi aux agences de voyages, qui en feraient la demande, des facilités de crédits afin de leur permettre d’assurer le paiement des charges d’exploitation et notamment salariales.
Cependant, notre interlocuteur va plus loin dans son analyse de la situation du secteur. Il a notamment évoqué le problème qui oppose la Société nationale des résidences (SNR plus connue sous l’appellation Montazah Gammarth), une structure imposée aux agences de voyage par l’ancien régime et qui a exercé un monopole sur le secteur durant les 11 dernières années.
Toujours selon notre interlocuteur, contrairement à ce que certains médias ont écrit, la Fédération n’a jamais demandé l’élimination de la SNR. Tout ce que les agences de voyage ont réclamé, c’est la libéralisation du secteur, c’est-à-dire une concurrence seine dans le secteur des voyages, notamment l’organisation de la Omra et du pèlerinage. La SNR aurait même organisé une sorte de pseudo-sondage au sein de la profession afin de déterminer quelles sont les agences qui veulent continuer leur collaboration avec elle et celles qui ne le souhaitent plus. Ce que notre interlocuteur a qualifié de «diviser pour mieux régner», ou plutôt «diviser pour exister». Car, dit-il, il est tout à fait normal que les agences qui ne sont pas financièrement solides acceptent de se mettre sous l’aile d’un “protecteur“.
Et comme si tout ça ne suffisait pas, la SNR a élaboré un «Cahier des charges» concernant les activités de la profession des agences de voyage sans pour autant consulter celles-ci. On agit donc comme si rien n’avait changé.
A une question pour savoir si les autorités religieuses saoudiennes exigent, dans le cadre de la Omra et du grand pèlerinage, un vis-à-vis public pour l’envoi des pèlerins, notre interlocuteur a répondu sans hésiter: «jamais de la vie», à partir du moment où on dispose d’une licence en bonne et due forme, toute agence de voyage ayant les moyens peut envoyer des pèlerins sur les Lieux saints de l’Islam. Il estime même que si le secteur était libéralisé en fixant des règles de jeu claires et nettes, plusieurs agences de voyage ne seraient pas dans les difficultés qu’elles rencontrent aujourd’hui.
Ainsi et selon notre interlocuteur, les difficultés des agences de voyage vont au-delà de l’aspect social et financier. La profession veut l’instauration d’une concurrence pure et parfaite dans leur secteur. Ce bras de fer entre les agences de voyage et la SNR ne semble pas se terminer en l’absence d’instance de décision pour trancher. Mais les Tunisiens ayant découvert une “trouvaille“ qui marche, alors il se peut qu’on assiste, sous peu de temps, à un sit-in des professionnels du secteur devant la SNR et le slogan qui va avec, “DEGAGE“.