Economistes, financiers et observateurs avertis de l’économie tunisienne, dont Ubifrance à Tunis, estiment que l’impact de la révolution se traduira, à court terme, par une importante détérioration de la situation sociale (augmentation du chômage, revendications salariales…) et par une dégradation des comptes publics et des échanges extérieurs. Le gouvernement provisoire, confronté déjà à des difficultés multidimensionnelles, attend avec impatience les résultats de la Conférence internationale de soutien à la Tunisie qui devrait être réunie, fin mars début avril 2011, pour débattre de la stratégie de relance économique et des financements à mobiliser.
Après seulement deux mois de révolution, il est certes très difficile de déterminer avec exactitude les incidences attendues mais certaines tendances commencent à se dégager. En voici quelques unes.
Sur le plan social, il est probable que le chômage dont l’aggravation a généré la révolution va augmenter, en 2011, au moins d’un point pour atteindre plus de 530.000, soit 14% d’une population active de 3,7 millions. C’est le chômage des diplômés du supérieur qui pose le plus problème. Selon le ministère de la Planification et de la Coopération internationale (MPCI), le taux de chômage de cette catégorie des sans emplois est de l’ordre de 45% (plus de 80.000), et ce en dépit des mesures de relance (mobilisation de 500 MDT pour venir en aide aux diplômés chômeurs et indemnisation des victimes de la répression).
Au chapitre macroéconomique, l’élaboration d’une loi de finances rectificative n’est pas à exclure. L’ambitieux taux de croissance de 5,4% prévu par le budget économique sera révisé à la baisse pour se situer, selon les pronostics les plus optimistes du MPCI, aux alentours de 1,5%.
Cette baisse assez significative sera justifiée, entre autres, par deux facteurs: le recul attendu des flux touristiques (le tourisme représente 6% du PIB) et la baisse d’activité des exportations de l’off shore (8,5% du PIB) en raison de problèmes logistiques rencontrés lors de l’approvisionnement (importation) et de l’expédition (exportation).
L’on shore, qui a connu, à son tour, des difficultés (destruction limitée des outils de production, recrudescence des revendications salariales), ne se portera pas mieux de si tôt. La centrale patronale (UTICA) ne cesse de réclamer des mesures de soutien.
Au rayon des finances, les ressources de l’Etat seront affectées par des moins-values fiscales dues au recul de l’activité économique. Les dépenses publiques subiront également de profonds changements. La compensation, estimée initialement à 1,5 milliard de dinars, va certainement augmenter sensiblement à cause de la flambée des cours mondiaux des hydrocarbures et des céréales.
Compte tenu de la forte augmentation du coût des importations de ces produits, le déficit des paiements courants devrait connaître un accroissement certain, tout autant d’ailleurs que le déficit budgétaire.
Le développement régional et l’emploi devraient être les objectifs prioritaires du plan de relance (3 milliards de dinars tunisiens).
La situation financière devrait également connaître d’autres difficultés pour quatre autres raisons: recul du flux des investissements directs étrangers (IDE), retards dans le décaissement des crédits internationaux en raison de l’instabilité du pays en cette période de révolution, baisse des recettes touristiques et renoncement au recours au marché financier privé international.
L’ensemble de ces éléments fait apparaître des besoins de financements complémentaires que le gouvernement provisoire va peut-être mobiliser lors de la Conférence internationale de soutien de la Tunisie ou solliciter auprès de ses traditionnels bailleurs de fonds.