L’immolation de Mohamed Bouazizi va précipiter le départ du dictateur Ben Ali. C’est sur ce récit que revient la journaliste romancière française Claire Gallois dans un livre court et engagé publié tout récemment -le 17 mars 2011- et qui se veut un hommage à un jeune de 26 ans, marchand ambulant à Sidi Bouzid, d’où tout est parti, un 17 décembre 2010.
Une demie heure voire moins sont nécessaires pour prendre connaissance du contenu du livre que Claire Gallois, journaliste et romancière, vient de consacrer à la révolution tunisienne. “Vivre libre“ de Galois comporte, en effet, 32 pages. Et ressemble plus à ce titre à un opuscule ou à un long article qu’à un livre*.
L’essentiel est, toutefois, peut-être ailleurs. “Vivre libre“ a voulu délivrer au monde un témoignage d’une révolution qui a essaimé dans beaucoup de pays arabes: en Egypte, mais aussi actuellement en cours en Libye, au Yémen, au Bahreïn,…
Le livre de Claire Gallois est dédié à Mohamed Bouazizi, ce héros de la révolution tunisienne, d’où tout est parti. Mme Gallois raconte, d’ailleurs, l’itinéraire de ce jeune tunisien qui a perdu son père, tâcheron agricole, à l’âge de 3 ans.
Elle rapporte, dans le détail, les événements qui l’ont conduit à s’immoler par le feu le 17 décembre 2010: les tracasseries policières, la confiscation de son étal, l’épisode de la femme policière qui l’a giflée et lui a craché au visage. Comme elle raconte son transfert à l’Hôpital des grands brulés de Ben Arous et son enterrement au cimetière de «Garaat Bennou». Et le refus de la police de voir son cercueil passer devant l’endroit où il s’est immolé.
Une police qu’elle ne croit pas toute «cruelle et vendue». Elle le dit, du reste, clairement: «certains policiers, les larmes aux yeux, se sont excusés devant leurs victimes». Comme «ils se sont rangés du côté des protestataires et des réformes qu’ils réclament».
Claire Gallois apporte au passage un éclairage sur les souffrances d’une jeunesse tunisienne qui n’a que trop enduré. Chômage, confiscation de la parole, censure, cela ne pouvait trop durer.
La révolution tunisienne a, du reste, étonné plus d’un. A commencer par le dictateur Ben Ali qui a, lui lui-même, douté lorsque la révolte a pris de l’ampleur gagnant de nombreuses villes. Ce qui ne lui arrive que rarement, semble dire Claude Gallois.
«La faim a permis!»
Les faits marquants de la révolution tunisienne entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 dont racontés dans le menu détail. Les personnages parmi les plus importants sont également présentés. Le président déchu, son épouse Leïla Ben Ali pour laquelle elle a cette phrase: «l’ex-petite-coiffeuse, devenue la femme cousue d’or du président (qui) a pour habitude de s’emparer sans vergogne de tout ce qui lui plaît, serait-ce de votre charmante maison de famille, et cela sans recours possible, pas même celui de porter plainte». Claire Gallois évoque également le général Ammar, qui a refusé, au plus fort de la révolution de la jeunesse tunisienne, de tirer sur la foule.
Pour l’essentiel, pas de grandes révélations. Mais des instantanés de la révolution tunisienne qui vous obligent à être accroché au texte. Jusqu’au bout. Un texte d’actualité écrit comme un roman.
Ce qui ne veut pas dire qu’aucune «révélation» n’est introduite dans le texte. Ainsi, Gallois évoque, même si elle avoue que cela tient de la rumeur, que la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton aurait téléphoné au président déchu pour lui demander de quitter les lieux. Comme «elle aurait aussi appelé le roi Saoud pour lui suggérer d’accueillir le fuyard, en contrepartie de certains contrats économiques avantageux signés avec les États-Unis».
Une autre histoire qui vaut le détour. La voici: «Dans le richissime palais de Carthage, au-dessus d’un ascenseur destiné à épargner la fatigue de monter dix marches de marbre blanc aux partisans du moindre effort, un petit malin a rayé l’inscription «Dieu a permis cet ascenseur!» pour la remplacer par «La faim a permis!»…
Mais le mérite du livre est aussi peut-être intimement lié à son auteur. Claire Gallois, journaliste et romancière, a, aujourd’hui, 73 ans. Comme quoi la révolution tunisienne n’a laissé personne insensible: les jeunes comme -et c’est le cas de le dire- les moins jeunes. Et bien au-delà des frontières de la Tunisie.