100.000 visiteurs se sont rendus au Salon mondial du tourisme de Paris qui vient de fermer ses portes. En termes d’affluence, la version 2011 a fait aussi bien que l’année dernière malgré un contexte politique plutôt morose. Les révoltes arabes et la situation au Japon ne sont pas pour donner envie de vacances. Le grand public y est venu plus pour s’informer que pour acheter. Selon les rares professionnels tunisiens présents, c’était surtout une occasion pour enregistrer de nombreux témoignages d’admiration. Les visiteurs ont découvert les maisons d’hôtes et les gîtes ruraux de Tunisie. Peut-être constataient-ils un début de changement dans l’offre touristique tunisienne.
A longueur de journée, les media français se sont relayés sur le stand tunisien. Ils focalisaient tous sur les mêmes questions, celles du retour à la normale et la situation sécuritaire en Tunisie. La Libye était aussi omniprésente. Sa proximité avec la Tunisie dissuadait les plus décidés à se rendre dans la région de Djerba.
Sur le Salon, ce ne sont pas les messages d’estime qui maquaient. Touriste lambda, curieux, habitués ou sécrétaire d’Etat au Tourisme français, les félicitations témoignaient du capital de sympathie qu’ont désormais les Français pour la Tunisie. Selon Amel Hachani, directeur de l’Office national du tourisme tunisien(ONTT) à Paris, «les confirmations de voyages devraient pouvoir se concrétiser d’ici quelques temps car la partie reste encore jouable». Les efforts dans le sens d’une remise en confiance sont multiples. Du 24 au 26 mars, 25 agents de voyages se rendent en Tunisie pour un éductour. Un plateau télé est au programme, une soirée est prévue à Lyon, une campagne d’affichage urbain est attendue…
Le marché français est un marché atomisé. Près de 10 entreprises professionnelles franco-tunisiennes y réalisent entre 35 et 40% du volume de la destination. Ils pourraient insuffler plus d‘énergie si la demande s’en ressentait. La France pourvoit près d’un million 400 mille voyageurs sur la Tunisie annuellement.
Adel Oueslati, avec le TO «Sun Marin» fait partie de cette catégorie d’opérateurs. Il regrette que les medias français soient restés sur les images de la révolution. Cet ancien de «Jet Tours» ne croit pas au retour des touristes par le prix. D’ailleurs, «ils ne sont pas revenus. Ce qu’il faudrait faire, c’est investir dans plus de communication, faire des offres pour les mariages ou les anniversaires tous les 14 du mois jusqu’à la fin de l’année, investir les principales vitrines des villes…». Ezzedine Ben Yacoub, spécialiste des marathons et président d’une association franco-tunisienne, travaille sur la relance autrement. Il prépare un tournoi de pétanque qui se tiendra du 7 au 10 avril prochain.
L’avis d’Anis Meghirbi, directeur commercial de la chaîne hôtelière «Seabel» est nettement plus sévère. «Ce n’est pas avec ce type de présence lisse que les touristes français vont avoir envie de revenir». La présence tunisienne sur ce salon est pâlotte et ne peut être qu’inefficace. «Aucune animation, très peu de présence professionnelle, aucun effort publicitaire… Est-ce le moment de lâcher? C’est maintenant qu’il faut être inventif, rapide et efficient, résume-t-il.
Son avis est partagé par de nombreux professionnels qui estiment que la participation tunisienne au MAP ne pouvait faire mieux que celles enregistrées à Berlin ou Milan. Les stands, les programmes, l’image, la présence des professionnels, les motivations, sont autant d’éléments à redéfinir.
Pour le moment, les professionnels tunisiens sont en train de traverser une phase très délicate. Le secteur enregistre une perte de près de 45%. Entre ceux qui estiment que l’année est déjà blanche et ceux qui pensent que sauver leur business sera très difficile, il n’y a qu’un pas. Des segments comme ceux du Mice ou du golf sont déjà perdus pour cette année. Riadh Mnif, gérant du Campement Mars, a décidé de fermer son entreprise pour le reste de la saison. Assad Zmerli, directeur du «Yesmine golf course» joue le tout pour le tout en plaçant activement son parcours pour novembre prochain.
Un peu plus loin, du côté du village des maisons d’hôtes groupant l’Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, les hébergements alternatifs tunisiens ont drainé plus de monde. Ceux–ci ont apporté une nouvelle dynamique et rafraichi l’image de la destination. Moins frileux, les clients individuels habitués à ce genre de voyages attendent que la situation en Libye s’éclaircisse. Acheter des vols secs pour pas cher et partir pour un «city break», une dînette en amoureux ou un «trek» dans le Sahara. Pourquoi pas? Ils le font ailleurs et souvent. C’est aux produits de s’imposer. Pour le moment, crise ou pas, la diversification du tourisme tunisien ne reste qu’un slogan.
Le week-end dernier, la présence tunisienne dans la capitale française s’est aussi déployée sur le Salon du Livre et celui du Golf. Le ministre de la Culture, Ezzedine Beshchaouech, a fêté le livre sans la censure recevant de nombreux amis de la Tunisie dont Jack Lang, Frédéric Mitterrand, Paul Balta…
La 36e édition du salon le Monde à Paris était placée sous le thème des «fêtes et festivals». Considérés comme un atout exceptionnel pour la valorisation d’une destination, c’était une opportunité pour la Tunisie d’y promouvoir ses différents évènements. Pour la culture autant que pour le tourisme, le principal défi à venir est de définir son tourisme culturel et changer sa culture touristique.