Le changement appelle le changement. La révolution tunisienne ayant lancé une onde de choc qui n’a pas fini de faire sentir ses effets au Maghreb en particulier et dans le reste du monde arabe en général, l’Union européenne a tout de suite compris qu’il lui fallait changer de stratégie à l’égard de la région, et initié dans la foulée une réflexion afin d’en formuler une dont les orientations seront rendues publiques en avril prochain. En attendant, les 27 ont produit –via la Commission et le Parlement européens- une «communication commune» présentant les grandes lignes de cette nouvelle stratégie –baptisée «Partenariat pour la Démocratie et une prospérité partagée»-en vue de concrétiser les «immenses espoirs qui se sont exprimés dans la région» non seulement en prêtant «attention aux sollicitations des gouvernements partenaires», mais aussi en écoutant «les demandes formulées par la société civile».
A travers la nouvelle stratégie en préparation, l’Union européenne veut tirer les pays de la rive sud de la Méditerranée vers le haut sur le plan politique d’abord. Pour atteindre la «transformation démocratique» et le «renforcement des institutions», en mettant l’accent en particulier sur «les libertés fondamentales, les réformes constitutionnelles, la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption».
Et elle entend le faire en usant, selon la «communication conjointe» de la Commission et du Parlement européens, d’une «stratégie incitative fondée sur une plus grande différentiation: les pays allant plus loin et plus vite dans leurs réformes pourront compter sur un soutien plus important de la part de l’UE. Les aides seront allouées ou recentrées lorsque des pays prennent du retard dans la mise en œuvre des programmes de réforme approuvés ou s’ils en réduisent la portée».
L’UE conçoit donc son nouveau «partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée» comme une carotte à laquelle ne peuvent accéder –«c’est la condition de l’adhésion»- que les pays de la rive sud de la Méditerranée ayant «la volonté d’organiser des élections libres, régulières et contrôlées de manière appropriée», disposés à s’engager dans «une coopération plus étroite dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et un plus grand nombre d’actions conjointes dans les enceintes internationales sur les questions d’intérêt commun».
La récompense consistera pour les pays réalisant les réformes nécessaires en une reprise des négociations sur l’octroi d’un «Statut avancé» permettant de bénéficier d’un «engagement plus soutenu en faveur de la mobilité et un meilleur accès au marché européen».
Dans le cadre de leur nouvelle stratégie –et de son deuxième axe concernant «un partenariat renforcé avec les  populations»- les 27 se proposent également d’accroître son soutien aux organisations de la société civile pour «accroître leur capacité à suivre les réformes et à participer efficacement aux dialogues concernant les politiques à mener» et mettre en place «un dialogue social plus efficace» entre organisations syndicales et patronales.
Convaincue que «les troubles qui secouent plusieurs pays du sud de la Méditerranée sont indéniablement liés à des faiblesses économiques» et causés plus précisément par «une répartition inégale des richesses, de réformes sociales et économiques insuffisantes et d’une création d’emplois limitée, de systèmes d’éducation et de formation de mauvaise qualité, qui n’assurent pas l’acquisition des qualifications requises sur le marché du travail, ainsi que d’un faible degré d’intégration commerciale régionale», l’Union européenne affirme vouloir aider ces pays -ce qui constitue l’objet du troisième axe de la nouvelle stratégie- «une croissance et un développement économique durable et inclusifs»-, et être pour cela «disposée à apporter son aide dans le cadre d’un dialogue sur les politiques à mener et d’une coopération dans le cadre du programme de travail industriel euro-méditerranéen».
Mais jusqu’où l’Europe est-elle prête à aller en matière de financement, nécessaire pour mener la mise à niveau globale qu’elle encourage les pays du sud méditerranéen à faire? Autrement dit, est-elle disposée à mettre sur pied une initiative ayant un tant soit peu l’allure et l’ampleur d’un «Plan Marshall» que certains appellent de leurs vœux?
En attendant une réponse plus claire, l’UE pense que «les institutions internationales (BEI, BERD, etc.) peuvent contribuer à cet effort».