Le football tunisien -le sport d’une manière générale dans notre pays- n’en
finit pas de connaître des difficultés financières. La décision des présidents
de club d’ajourner la reprise des rencontres du Championnat, initialement prévue
pour le 12 mars 2011, au 17 avril 2011, n’en est qu’une brillante illustration.
Faut-il croire, comme le disent certains, que les présidents des clubs sportifs
aient décidé d’ajourner la reprise des rencontres du Championnat, initialement
prévue pour le 12 mars 2011, au 17 avril 2011, afin d’éviter que les supporters
leur lancent le fameux «Dégage»?
«S’il y a du vrai dans tout cela», note un entraîneur de football de la Ligue 1
(Première division), le problème réside ailleurs: «les clubs n’ont pas, dans
leur grande majorité, les moyens de rempiler». «Leur principal problème? Ils
n’ont pas de sous».
Ils l’ont dit du reste clairement dans leur réunion du jeudi 10 mars à la
Fédération tunisienne de football (FTF). Ils ont décidé de surseoir en attendant
que la FTF leur verse leur dû en matière de droits de retransmission des
rencontres par la Télévision nationale qui a acquis les droits de la Coupe et du
Championnat.
Epineux problème que celui des droits TV. La Télévision nationale souhaite
renégocier les montants des contrats conclus avec la FTF et qui portent sur un
montant global de 7,1 millions de dinars. Un contrat conclu pour deux lots: le
premier comprenant le Championnat national de la Ligue1 et l’Equipe nationale en
Tunisie; le second, le Championnat de la Ligue 2 et la Coupe de Tunisie.
Aux dernières nouvelles, la Télévision nationale souhaite vivement ramener ces
chiffres à la baisse. Elle aurait proposé de verser seulement quelque 4 millions
de dinars. Une baisse qu’elle explique par des problèmes de trésorerie. Outre
son déficit annoncé de quelque 36 millions de dinars, la Télévision nationale
n’aurait pas encore reçu les recettes de la redevance qui lui reviennent, en
vertu des textes actuellement en vigueur; ces dernières sont versées par la STEG
(Société Tunisienne d’Electricité et de Gaz).
En fait, un imbroglio qui ne sert pas la FTF qui souhaite que la Télévision
tunisienne respecte les termes du contrat; elle-même faisant face à une demande
pressante des clubs qui «conditionnent» la reprise des compétitions à un
versement de leur dû provenant des droits TV.
Le sport tunisien ne s’est jamais réconcilié avec l’argent
Il serait sans doute utile de préciser, et à l’heure où toutes les langues se
délient, que la Télévision nationale ne cache pas qu’elle a été obligée de
conclure son contrat avec la FTF pour une somme qui dépasse ses moyens mettant
en avant le fait que le football ne rapporte pas gros et que les recettes
publicitaires obtenues à l’occasion de la diffusion des matchs n’arrivent même
pas à couvrir le montant des sommes engagées en faveur de la FTF.
On ajoute du côté de la Télévision nationale que les montants engagés pour la
diffusion des rencontres organisées par la
FTF dépassent largement le montant du
contrat. En Effet, la Télévision nationale avance notamment, à ce niveau, les
frais d’amortissement des cars de reportage et les frais de production divers:
carburant des cars fournissant l’énergie, frais de déplacements, salaires du
personnel, «défraiements» (sommes versées au personnel pour tout déplacement en
dehors du Grand Tunis…).
Souvent présentés comme étant une source importante du financement du football
et du sport d’une manière plus générale –des comparaisons sont opérées, sans
doute à tort, avec des pays développés comme la France où les droits TV
atteignent 40%-, ces derniers constituent l’arbre qui cache la forêt.
En fait, le sport tunisien ne s’est jamais réconcilié avec l’argent. Aux sources
du malaise, affirme plus d’un, le statut des clubs qui oscillent entre
amateurisme et professionnalisme dit «non amateurisme». Les clubs, en somme,
sont considérés par les textes en vigueur comme des associations qui ne doivent
pas se faire de l’argent.
Nous sommes loin des Sociétés Anonymes A Objet Sport (SAOS) qui, comme en
France, apportent des solutions au vécu du professionnalisme. La loi française
oblige les clubs à disposer d’un capital minium, réglemente les subventions et
l’actionnariat et prévoit un Conseil d’administration pour la gestion des clubs.
Une réflexion a été entamée en vue d’apporter des solutions structurelles aux
clubs, avant le 14 janvier 2011, mais celle-ci n’a pas encore abouti.
Autre souci important: trouver des financements aux activités sportives qui sont
restées prisonniers des traditionnelles subventions du ministère de tutelle, des
municipalités et des gouvernorats et des dons d’entreprises et d’hommes
d’affaires. Auxquelles il faut ajouter les recettes de la billetterie, du
sponsoring, des produits dérivés et l’organisation des spectacles devant
lesquelles tous les clubs ne sont pas aussi égaux –loin s’en faut.
Des financements qui sont insuffisants, au regard des besoins des clubs
notamment ceux qui jouent les premiers rôles, et rarement pérennes. Inutile de
préciser là aussi qu’il suffit quelquefois du départ d’un «bienfaiteur» pour
qu’un club vive des jours sombres. Les salaires des joueurs, des entraîneurs et
autres membres du staff technique, les factures des hôtels et des restaurants
s’accumulent et provoquent des déficits budgétaires.
Il est rare, à ce propos, et en dehors de quelques grands clubs sportifs, que
des associations sportives n’aient pas connu un moment ou un autre de leur vie
des problèmes financiers.
A cette fragilité financière, il faut ajouter une gestion maladroite qui ne
favorise pas la participation à la gestion du club –seul le «mécène» du club
décide de tout ou presque. Une réalité qui ouvre bien la voie à tous les
dépassements qui vont des mauvais choix à l’opacité des comptes. Une réalité qui
rend le quotidien des clubs que plus compliqué et plus difficile.