Alors que le pays est en bute à des difficultés économiques de taille, que les membres de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) se serrent les coudes formant un front de résistance influent, l’UTICA dont le poids et la responsabilité en tant qu’acteur économique sont considérables se débat dans des querelles intestines qui ne lui permettent pas de parer au plus urgent: la relance de l’économie.
A qui la faute?
Il ne s’est pas passé une semaine après le 14 janvier que déjà, on voyait des groupes d’entrepreneurs se former. Objectif: faire le ménage à l’UTICA. Leur initiative aurait été des plus louables si ce n’est que la plupart d’entre eux ne sont même pas des membres affiliés à la Centrale patronale. Pire, leurs revendications dans cette conjoncture si délicate pour la Tunisie se sont limitées à la restructuration et au départ du bureau exécutif sans s’attaquer sérieusement aux meilleurs moyens de sauver l’économie.
Deux mouvements ont émané de ces vagues de protestations contre l’ancien ordre établi à la Centrale: le mouvement pour le renouveau de l’UTICA et un autre intitulé «Sauvons l’UTICA».
Sur le réseau social Facebook, une dynamique fut vite suscitée incluant des échanges d’idées, des propositions, parfois réalistes, d’autres illogiques du moins dans la conjoncture actuelle. L’UTICA, à qui l’on reprochait d’être l’otage d’une classe de privilégiés proches de l’ancien pouvoir, est devenue une scène pour des jeux de guerre. Dans l’intérêt de qui?
Pour les contestataires représentant le mouvement du renouveau de l’UTICA, l’objectif est la renaissance d’une UTICA forte, représentative et démocratique. Le mouvement a suivi la démarche du Conseil National de l’UTICA tenu samedi 19 mars 2011 et dont l’ordre du jour était de mettre en place 6 commissions. Il a été surpris par la réaction de Hamadi Ben Sedrine, président de l’exécutif qui, pour sa part, a suggéré la création d’un comité de direction provisoire comprenant 5 membres de l’ancien bureau exécutif, 5 présidents de fédérations, 5 présidents d’unions régionales, et 5 du mouvement du renouveau de l’UTICA.
D’après le mouvement, le comité de direction provisoire désigné au cours de la réunion du mardi 22 mars 2011, avec à sa tête Hamadi Ben Sedrine, élu comme président jusqu’à l’organisation du nouveau congrès, ne permet pas de donner à l’UTICA l’image nouvelle, tant attendue par les patrons, et qui rompt totalement avec le passé.
D’autre part, on reprocherait au comité provisoire la non prise en compte de la liste officielle du mouvement du renouveau de l’UTICA. Ce à quoi rétorque Hamadi Ben Sedrine en disant que «la liste qui m’a été proposée comportait 4 représentants de la région de Sfax, ce que j’ai estimé inacceptable, du fait qu’elle accentuait la dimension régionale au niveau de la représentativité. J’aurais à la limite admis qu’il y ait plus de 2 ou de 3 membres venant des régions du Nord-Ouest, Centre-ouest ou Sud-ouest, car ce sont les zones les plus lésées, mais je ne pouvais tolérer un aussi grand nombre venant d’une seule région».
D’autre part, Hamadi Ben Sedrine a promis le démarrage dès cette semaine des élections régionales en vue de l’organisation du Congrès électif pour la fin du mois de mai. Cette décision arriverait-elle à convaincre les réfractaires au nouvel exécutif de l’UTICA qui «désavouent les pratiques observées pour la constitution du bureau exécutif provisoire»? Se désolidarise totalement de ses actions et refuse d’être utilisé pour légitimer des pratiques contraires à ses valeurs»?
Hamadi Ben Sedrine, apporte un tout autre éclairage à propos de ce qui s’est passé depuis le 14 janvier. Selon lui, le premier conseil national organisé le 1er février a été suspendu suite à l’envahissement de la salle par des intrus ce qui explique la tenu d’un deuxième Conseil national le 19 mars à la banlieue Nord.
D’autre part, il a indiqué qu’il a été fort étonné de voir qu’après avoir désigné 3 représentants, le mouvement du renouveau de l’UTICA a présenté une nouvelle liste à la réunion du Bureau exécutif mardi dernier. «Ceci s’appelle manque de sérieux de la part du mouvement d’autant plus que Kaïs Sellami décide de démissionner du BE sous prétexte que les votes lors du conseil national n’étaient pas conformes ni règlementaires, alors qu’il les a acceptés le jour même».
Qui a tort? Qui a raison?
Loin de chercher à défendre qui que ce soit, car dans ce tourbillon de protestations sans fin et de résistance farouche, non seulement on ne peut plus cerner les responsabilités mais le danger c’est que l’on se trompe de priorités. Et les priorités aujourd’hui sont de redynamiser l’économie du pays, de mettre en place un exécutif uni par l’intérêt de l’entrepreneuriat et les intérêts économiques et capable d’être un interlocuteur valable pour tout ce qui touche aux négociations sociales et assez adroit pour préserver un équilibre social fragilisé par l’après révolution. De faire des propositions constructives et convaincantes face aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics, plus important de montrer aux partenaires internationaux que le leadership entrepreneurial a la capacité de faire passer les intérêts du pays avant les intérêts égoïstes de groupements d’intérêts dispersés.
Le mouvement du Renouveau de l’UTICA croit que seule l’intégration des nouvelles compétences et des nouvelles idées permettra à l’UTICA de retrouver sa crédibilité auprès des chefs d’entreprise, des entrepreneurs, du gouvernement et de l’ensemble des composantes de la société. Soit. La nécessité d’un rajeunissement des structures de la Centrale se fait de plus en plus ressentir. Du sang jeune, nouveau pour enrichir l’exécutif du patronat et consolider sa représentativité est aujourd’hui indispensable.
Intégrer les structures implique également des responsabilités que les candidats doivent pouvoir assumer et assurer. Une échéance, d’ores et déjà, qui est la fin du mois de mai, d’après Hamadi Ben Sedrine.
Ce qui toutefois importe plus que tout, c’est la pérennité de l’entreprise et sa sauvegarde en supplantent, si besoin est, les différences idéologiques et en dépassant les détails pour arriver à l’essentiel. Un exemple édifiant en la matière: l’UGTT.