Les Européens –les Italiens viennent de faire la démonstration– ne semblent favoriser que le schéma sécuritaire. Le codéveloppement, qui est un vœu pieux, ça sera pour plus tard. Histoire d’attendre Godot.
Le gouvernement italien a décidé d’accorder à la Tunisie un financement de 80 millions d’euros (presque 160 millions de dinars) pour lutter contre l’immigration clandestine. L’annonce a été faite vendredi 25 mars 2011 par le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini.
La dépêche de l’agence France Presse, qui rapporte l’information, ajoute que «la somme est destinée à acquérir des équipements nécessaires pour stopper (sic) l’afflux de migrants à fournir une formation aux gardes-côtes».
La même dépêche n’apporte aucune autre information concernant les sujets ayant été au centre des entretiens de Franco Frattini et de son collège titulaire du portefeuille de l’Intérieur, Roberto Maroni, avec les responsables du gouvernement tunisien de transition.
Décryptage: les ministres italiens sont intéressés en priorité par l’arrêt de l’immigration clandestine en Italie où «quelque 15.700 migrants tunisiens sont arrivés» depuis le 14 janvier 2011.
Evidement les parties tunisienne et italienne ont dû évoquer «les perspectives de coopération entre les deux pays», notamment «l’immigration concertée» et «le soutien financier qu’apportera l’Italie à la transition démocratique en Tunisie».
Le texte établi par les diplomates à la fin de la visite n’a pas manqué -on ne peut que le présumer- d’évoquer ces questions du reste inscrits à l’ordre du jour. C’est de coutume! Même si les procès verbaux ont certainement fait état des 150 millions d’euros, presque le double en dinars, qui ont été annoncés par les deux ministres italiens. Et qui sont bien insuffisants eu égard aux besoins de la Tunisie aujourd’hui.
Faut-il insister, ici, sur le fait que l’attitude des Européens ne semble pas changer. C’est la solution sécuritaire qui reste la première préoccupation. Même si les choses ont changé.
«Désormais, les Européens ne pourront pas dire, souligne un diplomate tunisien, qu’ils ont peur pour les sommes engagées en vue du développement du pays. Ces sommes ne tomberont pas dans l’escarcelle des Ben Ali-Trabelsi. En fait, le verrou a sauté. Manque de transparence, pots de vin, magouilles, corruption: aucune argumentation ne peut plus tenir le coup». «On verra, ajoute-t-il, si les projets mis en place au niveau de la région, dont le Processus de Barcelone, démarreront vraiment».
La question mérite d’autant plus d’être évoquée que ce Processus a plus que déçu. L’Union européenne n’a pas donné à ce Processus un intérêt bien particulier. Ni, d’ailleurs, à aucun projet concret comme celui de l’Union Pour la Méditerranée (UPM), mort-né. «Rien à voir avec la sollicitude dont elle a entourée les pays qui ont intégré l’Espace européen comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce pour lesquels elle a déversé des milliards d’euros et pour mettre à niveau leurs économies et pour investir dans de grands projets», commente notre diplomate.
«Gagner de l’argent et le plus rapidement possible»
L’heure de vérité aurait, donc, sonné pour voir si les intentions sont bonnes du côté des pays du Nord. Ces derniers songeraient-ils à construire un mur en béton, comme l’ont fait d’autres ailleurs, pour arrêter l’afflux des migrants? Oublient-ils du reste que dans un autre temps, fuyant les guerres, le besoin et la pauvreté, des Européens sont venus en masse gagner leur vie sur nos rivages. Les livres d’histoire nous enseignent, en effet, que les Français, les Anglais, les Italiens, les Maltais et les Hollandais étaient en nombre au XVIIème siècle en Tunisie.
Des traces de ce passé existent. La rue de la Commission, à Tunis, accueille toujours «le Foundouk des Français». Construit par le bey de Tunisie Hamouda Pacha vers 1660, le bâtiment garde encore sa porte cochère, ses magnifiques portiques et sa galerie du premier étage.
Construits à la périphérie de la ville arabe, ces bâtiments, où logeaient des Européens soucieux «de gagner de l’argent et le plus rapidement possible» *, vont déborder sur les murs de la ville arabe de l’époque pour constituer ce qui deviendra le quartier européen de la ville de Tunis: «Bab Bhar».
Ne terminons pas ce papier sans signaler qu’une dépêche de l’Associated Press, datée du 27 mars 2011, mentionne que «des centaines d’Africains venant de Libye, entassés dans des bateaux, sont arrivés sur les côtes de Lampedusa».
Comme quoi, il faut hâter la construction d’un mur sur le flanc nord de la Méditerranée!